Depuis les années 1990[2], les concepts abondent (« nouvelles terres inconnues », « chaos bornés », « zones grises ») pour tenter de décrire les difficultés rencontrées par les gouvernements de nombre de pays, dans l’exercice légitime de leur souveraineté territoriale[3]. Cette situation, issue de problèmes structurels profonds, débouche sur la volonté, affichée par différents intérêts (agents économiques, institutions internationales, recherche universitaire), d’en saisir l’origine et la dynamique, ainsi que les effets sociétaux induits, et d’en regrouper la problématique dans des termes génériques à la fois complémentaires et concurrents : « Etats faibles » (weak states), « Etats fragiles » (fragile states), « Etats effondrés » (collapsed states), « Etats en crises » (crisis states), etc[4].
A partir de 2005, l’OCDE publie ainsi un rapport annuel sur les « Etats fragiles » destiné à faire le point « sur l’évaluation du développement et sur les conflits, la paix et la coopération pour le développement (CPDC)[5] ». Dix ans plus tard, en 2015, la même institution décide de faire évoluer cette publication, proposant un cadre de suivi dont les cinq dimensions (violence, justice, institutions, fondamentaux, résilience) doivent permettre de saisir des « Etats de fragilité » (le nouveau titre des rapports)[6]. Bien que tardive par rapport à des travaux antérieurs appelant à évaluer les « risques pour les pays[7] » afin d’en saisir la plus ou moins grande fragilité (quel que soit leur niveau de développement), l’initiative OCDE ambitionne d’apporter des éléments autorisant la finalisation des objectifs de développement durable (ODD) dans tous les pays, « au lieu de se concentrer sur les seuls Etats fragiles et en conflit ».
Nonobstant la générosité de l’objectif poursuivi par l’OCDE, les données fournies sur la fragilité de nombre d’Etats ne prêtent pas vraiment à l’optimisme en termes de « développement durable ». Selon les données de la Banque Mondiale, ce sont plus de 2 milliards d’habitants originaires d’«Etats fragiles » qui sont confrontés à des formes de violence extrême compromettant leur développement[8]. Et dans 33 États fragiles et en situation de conflit totalisant 500 millions d’êtres humains, la pauvreté touche plus de la moitié (51 %) des habitants. D’autres données complètent ce panorama social préoccupant : la part des populations pauvres du monde vivant aujourd’hui dans un État fragile ou en situation de conflit devrait au moins doubler d’ici 2030; en outre, les pays pauvres en situation de conflit représentent un tiers des décès liés au VIH/sida, un tiers des individus privés d’accès à une source d’eau propre, un tiers des écoliers n’achevant pas le cycle primaire et la moitié des décès d’enfants au niveau mondial. Même si la Banque Mondiale tente de rassurer l’opinion en écrivant que « 20 États fragiles et en situation de conflit ont récemment atteint une ou plusieurs cibles associées aux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et six autres sont en bonne voie de réaliser un certain nombre de cibles spécifiques avant la date butoir de 2015[9] », l’incertitude constante entourant le devenir de ces pays ou territoires fragiles rend la vie quotidienne souvent insupportable pour leurs populations, incitant à partir ceux qui le peuvent et faisant planer sur les autres l’ombre funeste d’un destin violent.
C’est cette part de barbarie et de violence au quotidien, qui n’apparaît jamais dans les travaux classiques d’économie et de gestion, qu’il nous semble aujourd’hui indispensable d’évoquer. Car, dans les faits, en les écartant de leurs grilles d’analyse, les chercheurs dans ces disciplines ont contribué à propager une vision du monde aseptisée et inexacte. Pire, en réduisant le monde à une dynamique de « globalisation de ses marchés[10] », ils ont permis à l’horreur quotidienne d’être banalisée, disparaissant derrière des typologies parfaitement lisses (« pays émergents », « pays en développement », etc.) et l’objectivité supposée de leurs batteries d’indicateurs économiques et financiers. C’est cette part de réalité humaine qui échappe totalement à l’analyse économique ou gestionnaire – car contraire à son désir de rationalité, à son envie d’appréhender les sociétés et leurs « agents » au moyen d’appareils statistiques ou de modèles formels permettant d’en gommer la sauvagerie associée aux pulsions primitives des Hommes – dont il sera maintenant question.
Motivée par la production intellectuelle d’ignorance, issue d’une volonté naïve de faire rentrer l’Homme, ses Organisations et Sociétés, dans des modèles incapables d’en saisir la complexité, l’évocation des crimes organisés à grande échelle du 20ème siècle peut éventuellement nous permettre de comprendre pourquoi, la minoration, voire la banalisation d’actes de violence et de barbarie commis à partir d’Etats fragiles est devenue possible dans la dernière décennie de ce siècle; que ce soit avec l’évocation des réseaux de la prostitution albanaise, que ce soit à travers le récit des massacres commis au Libéria et en Sierra Leone, et, depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui, au Mexique – le tout, dans une relative indifférence en Europe. […]
Thèmes développés mais non exposés ici :
La banalisation de l’extrême violence,
Le cas de l ’Albanie dans la prostitution des femmes (adultes et mineures)
Les « diamants de sang » (blood diamonds) au Liberia et en Sierra Leone
Le Mexique : un pays immergé dans l’ultra-violence institutionnalisée
Déjà, en 1993,malgré l’enthousiasme des milieux économiques nord-américains pour lespromesses associés à « l’émergence »du Mexique[11],le criminologue Xavier Raufer écrit « […]la situation est moins grave en Colombie où les cartels affrontent l’Etat,qu’au Mexique, où les organisations criminelles sont dans l’Etat[12] ». Le krach économique de1994-1995 (à la suite duquel la moitié de la population mexicaine tombeau-dessous du seuil de pauvreté) motive d’ailleurs la revue américaine Fortune, dont les analystes ont fait l’apologie de « marchés émergents » comme le Mexique, a devoir reconnaître que : « Rétrospectivement, l’essor des activités des narcotrafiquants a eu certainement plus d’impact sur la crise économique qu’il est généralement admis[13] ». Et lorsque la réalité sociale combine ses effets dépréciateurs à ceux d’une économie en panne, c’est la panique chez les investisseurs. Le meurtre au printemps 1993 du cardinal Juan Jesus Posadas Ocampo de Guadalajara (tué « par erreur » à la place du narcotrafiquant « el Chapo » Guzman Lorea, ou tué parce qu’il en savait trop sur les activités des narcos?), le meurtre un an plus tard de Luis Donaldo Colossio (mars 1994) candidat du PRI à la présidence du pays et celui du secrétaire général de ce parti, José Francisco Ruiz Massieu, la criminalisation de l’économie (la part du revenu national provenant du trafic de drogue est à l’époque estimée à 7 milliards de dollars par les experts américains[14]),la corruption liée à la drogue, de pans entiers de l’appareil d’Etat[15]– tous ces éléments finissent progressivement par s’imposer comme autant de réalités qui viennent contrarier « la pureté » et « l’implacable rationalité économique » des modèles utilisés par les professionnels de la finance pour évaluer les opportunités de ce pays[16].
D’autres facteurs de déséquilibres éloignent encore davantage la perspective de retours mirifiques sur investissements : l’assassinat de centaine d’opposants au régime, la guerre civile menée dans l’Etat du Chiapas[17] par l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) (une force politique jusque-là inconnue) et la vague d’attentats à la bombe et d’enlèvements qui alors secouent le pays. Tous ces incidents rappellent aux investisseurs que la violence politique fait toujours bien partie d’une réalité socio-politique quotidienne dont l’analyse économique ne peut être dissociée[18]. C’est d’ailleurs le prolongement de cette réalité qu’évoque de nouveau l’écrivain mexicain Sergio González Rodríguez, vingt ans plus tard : « La guerre contre le trafic de drogue au Mexique a fait entre soixante-dix mille et cent vingt mille morts et disparus (l’incertitude sur le chiffre fait partie intégrante du problème). […] La violence extrême des règlements de comptes entre criminels et trafiquants de drogue est fortement liée à la sous-culture de la violence de l’Etat lui-même, qui suppose corruption, inefficacité, ineptie et irresponsabilité. […] Depuis des années, il m’apparaît évident que la vie publique mexicaine se déroule sous l’architecture abjecte mise en place par ses pouvoirs économique et politique. La crise actuelle trouve sa genèse dans la modernisation de l’économie et de l’Etat des années 1980[19] ».
La signature du traité de libre-échange nord-américain en 1994 est l’un des éléments d’approfondissement. Mettant fin à la réforme agraire, aux aides de l’Etat aux produits de première nécessité (maïs, huile, savon, etc.), à toute politique volontariste d’industrialisation de la part de l’Etat sous le prétexte (également avancé en Europe pour négocier le Tafta[20]) de mettre un terme aux « distorsions de concurrence », privatisant[21] des secteurs stratégiques nationalisés de l’énergie (pétrole, électricité) dans lesquels le Mexique obtient de bons résultats, toutes ces mesures ont pour effet d’éreinter la classe moyenne et d’appauvrir davantage les pauvres, créant un terrain qui nourrit la violence et la narco-économie. « En dernière analyse », écrit ainsi Pierre-Luc Abramson, « la seule sécurité sociale qui reste aux chômeurs, aux sans-terres et aux misérables de tout catégorie, c’est celle que les cartels offrent à leurs affidés[22]. » Sommé par les Etats-Unis d’éradiquer les cartels de la drogue, engageant alors la presque totalité des forces militaires et de polices pour y parvenir, l’initiative prise par le président d’alors Felipe Calderon fait basculer le pays dans une spirale de violence : « chaque jour apparaissaient – et cela continue encore aujourd’hui », précise Abramson, « des corps écorchés, décapités, violés, émasculés, sans que l’on sache si les victimes de la terreur ont été immolés par les sicarios – les tueurs des cartels – ou par des éléments des forces armées. Si l’on compare les cartels mexicains, et notamment les pires, les abominables Zetas, avec Daech, ces fanatiques religieux restent encore des enfants de chœur.[23] » Si l’on ajoute à ce sombre panorama, la barbarie au quotidien des situations de vie dans certaines industries « Maquiladoras » mexicaines[24], ces entreprises localisées dans des zones franches taillées sur mesure pour éviter aux grandes sociétés états-uniennes qui y sont installées, toute contrainte liée aux respects des droits de l’homme, au respect du droit du travail ou de l’environnement, le Mexique, pays de cartes postale pour touristes ou étudiants en échanges universitaires, rentre bien dans la catégorie des « Etats fragiles ».
Si l’on ne peut faire du Mexique une généralité, l’état du monde actuel permet néanmoins d’identifier, sur les cinq continents, l’existence de situations similaires peu propices à un développement réel des populations concernées. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « le fait que plus de 2 milliards d’habitants des pays en développement soient confrontés à une forme de violence extrême illustre bien la nature du défi du développement : conflit ou violence, une telle situation ferme la porte au développement de nombreux pays ou réduit à néant des années de progrès[25]. » Pour autant, le quotidien brutal de ces plus de 2 milliards de personnes ne rencontre que peu d’attention parmi les élites politiques et économiques des pays les plus riches. Seules leurs conséquences les plus visibles, celles qui viennent perturber le cours des existences, telles les vagues de migration[26], ou les attentats terroristes qui touchent les populations dans leur chair comme ceux du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, où ceux qui ensanglantèrent Paris dans les années 1990 (GIA islamiste) et plus récemment la multiplication des attentats commis par l’Etat islamique entre 2015 et 2016, rappellent au monde que l’expression de la barbarie ne connaît pas de frontières. Et que cette barbarie peut finir par se retourner contre ceux qui ont pu en être les manufacturiers indirects et imprévoyants[27].
Fragilité de nombres d’Etats mal développés et expansion de la barbarie se combinent ainsi pour former la dynamique de risques structurels majeurs pour le système international, dont nous évoquions les causes dans un texte de 2001[28]. Les lignes qui suivent en reprennent l’essentiel.
Faillite d’Etats fragiles, impasses du développement sociétal et chocs en retour sur les pays développés
Le soutien militaire et financier à long terme, accordé par les leaders de la guerre froide et leurs alliés à des régimes clients et à des factions rivales, a ôté à des pays toute capacité de développement autonome. Pillés de façon systématique par leurs dirigeants qui en ont recyclé les richesses à leur compte dans les circuits financiers internationaux, abandonnés de leurs anciens protecteurs, dépossédés de leurs élites qui en ont fui les dictatures, affaiblis par les politiques de restructuration que le FMI ou la Banque Mondiale leur ont imposées, incapables d’attirer les grands investisseurs privés internationaux dans des programmes autres que prédateurs – ces territoires, anciens pions dans le jeu Est-Ouest, ont sombré dans l’incurie économique, mais également pour certains, dans l’anarchie et la violence [29]. Ces « angles morts » du système international – « zones grises » (Raufer, 1993), « nouvelles terres inconnues » (Ruffin 1993), et autres « chaos bornés » (Dollfus, 1995)[30], se rappellent toutefois au souvenir des États riches sous la forme de rétroactions systémiques difficiles à gérer : terrorisme international, migrations clandestines de populations déplacées, criminalisation d’économies et difficultés à endiguer leurs productions.
La plupart des problèmes de développement et conflits précités, dont les effets (démographiques, diplomatiques, économiques, etc.) finissent par déborder les frontières, ont des causes multiples, aussi bien internes qu’externes. Dans certains pays, ces ruptures traduisent la crise d’États fragiles issus des empires coloniaux, et dans lesquels il n’y a pas eu construction d’une nation, mais anti-développement ; dans d’autres, elles sont la résultante d’une étape dramatique de formation des nouveaux États, nés de l’effondrement du système soviétique [31] ; dans d’autres cas enfin, ces crises trouvent leur origine dans l’adoption sans discernement ni précaution du modèle privilégiant l’option du « tout marché et du « moindre État ». On observe enfin dans ces situations nationales catastrophiques des relations entre plusieurs facteurs : les bouleversements écologiques (raréfaction d’une ressource en raison de l’activité humaine), la croissance démographique (une ressource rare doit être répartie entre un plus grand nombre de personnes) et la distribution inégale des ressources (une élite nationale ou étrangère contrôle l’usage de cette ressource)[32]. Les manipulations identitaires ou religieuses s’ajoutent à l’ensemble. Elles naissent de la ruine de situations nationales qui ne sont plus viables pour les raisons précitées, et non pour des questions ethniques ou religieuses.
Il est possible de prolonger le
raisonnement, en évoquant les effets structurels induits des options du « tout marché » et du « moindre État » à d’autres
niveaux : le lien entre l’appauvrissement des économies de certains pays,
leur criminalisation, ainsi que l’utilisation des circuits de la finance pour
« blanchir » l’argent « sale ». Moins visibles que les
crises de change ou les krachs boursiers, les implications de ces phénomènes
pour l’avenir de ces pays, ainsi que pour la sécurité et la démocratie des pays
industrialisés incitent à parler ici de « risque
structurel majeur ». Il existe en effet une relation étroite entre la
dette mondiale, le commerce illicite et le blanchiment de l’argent sale. La
crise de la dette a eu d’autres implications internationales que le spectre
d’une crise financière généralisée et la sensibilisation des banques
occidentales au « risque-pays ». Elle a introduit un « risque pour les pays »
majeur dans le cas des économies endettées, en fournissant aux syndicats du
crime la possibilité de s’introduire dans leurs circuits. Elle l’a fait par le
biais des programmes d’ajustement structurel que ces pays ont été obligés
d’accepter pour avoir accès aux prêts du FMI ou de la Banque Mondiale. Sous
l’effet des mesures d’austérité dictées par les créanciers internationaux, les
licenciements massifs de fonctionnaires, l’effondrement des marchés nationaux
et des exportations, la baisse des salaires dans les entreprises ont provoqué
la crise de l’économie légale. Dans de nombreux pays endettés, les activités et
productions illicites, contrôlées par les syndicats du crime sont alors
devenues un secteur d’activité dominant, une possibilité de revenus alternatifs
pour des populations précarisées et la principale source de devises[33].
Mais la criminalisation des économies est allée plus loin. Dans le sillage
ordinaire des programmes de restructuration de la dette, les créanciers
extérieurs ont exigé la mise en œuvre de programmes de privatisations.
Ceux-ci (à l’instar des crises
financières récentes) ont eu des résultats inattendus. Les organisations
criminelles, détentrices d’immenses revenus issus de leurs activités, ont pu
acheter à bas prix (tout comme les multinationales étrangères) des entreprises
publiques du secteur énergétique, des entreprises industrielles et
commerciales, des terres appartenant à la collectivité, et des banques d’État.
L’acquisition de ces banques, tout particulièrement, a été un moyen privilégié
de recycler les profits générés par les activités illégales dans les circuits
de l’économie légale. Déposés dans le réseau bancaire, ils ont été utilisés par
les établissements pour financer leurs activités de prêt et d’investissement,
aussi bien dans l’économie légale que criminelle[34].
C’est ainsi que dans un certain nombre de pays endettés et soumis à
l’ajustement structurel (des pays où le service de la dette excédait le total
des recettes d’exportation) les revenus tirés du commerce illicite ont fourni à
des gouvernements, par l’intermédiaire de la privatisation de banques et
d’entreprises, les moyens d’acquitter le service de leur dette. Dans le même
temps, un dangereux engrenage se mettait en place sous la forme d’une
banalisation du procédé et son acceptation tacite par la communauté financière
internationale qui le voyait comme un moindre mal. Du moment que les dettes
étaient acquittées, les créanciers ne faisaient plus de distinction entre « argent propre » et « argent sale ».
[1] In Bernard Sionneau, auteur de la 1ère partie du Management Responsable : approche critique et transculturelle, Paris : Ellipses, 2017, pp. 65-66 et 77-82.
[2] Cf. « Les Novae terrae incognitae » de Jean-Christophe Rufin, in L’Empire et les Nouveaux Barbares, Paris : JC Lattès, 1991, pp. 33-52 ; les « chaos bornés » d’Olivier Dollfus, in « Le système-monde : point de vue d’un géographe », Sciences Humaines n°14, Févier 1992, p. 24 ; les « zones grises » de Xavier Raufer, Les Superpuissances du Crime, Paris : Plon, 1993, p. 33.
[3] En droit international : la « Souveraineté » désigne le caractère d’un Etat qui n’est soumis à aucune autorité. Par une transposition de la théorie interne de la toute-puissance de la République, la Souveraineté devient le critère constitutif d’un Etat reconnu internationalement : cf. paragraphe 1 de l’article 2 de la charte des Nations-Unies : « L’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine de ses membres». La doctrine juridique internationale définit la souveraineté par rapport à 3 propriétés : exclusivité de la compétence, autonomie, plénitude.
[4] Denis Bauchard, « Introduction », Politique étrangère 1/2011 (Printemps), pp. 10-15.
[5] Guide sur l’Evaluation des activités de prévention des conflits et de construction de la paix, OCDE, Document de travail pour la période d’application, Comité d’aide au Développement (CAD), OCDE, 2008, p. 4.
[6] Cf. OCDE, « Etats de fragilité 2015 : Réaliser les ambitions de l’après-2015 », Edition Révisée, http://www.oecd.org/dac/governance-peace/conflictfragilityandresilience/docs/FRE%20States%20of%20Fragility%20Highlights%20document.pdf .
[7] Cf. Bernard Sionneau, Risque-pays et Prospective Internationale, Théorie et Application à la République Socialiste du Viêt Nam, op. déjà cité.
[8] Joaquim Levy, « Favoriser l’investissement dans les pays fragiles », blogs.worldbank.org, 18/05/2016, http://blogs.worldbank.org/voices/fr/category/topics/conflict .
[9] Ibid.
[10] Cf. les écrits “fondateurs”: Theodore Levitt, « The globalization of markets », Harvard Business Review, Harvard, May-June 1983; Michael E. Porter, Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance, New York: The Free Press, 1985; Kenichi Ohmae, Triad Power: The Coming Shape of Global Competition, The Free Press, New York, 1985.
[11] Cf. Bernard Sionneau, »Le risque-pays au Mexique », in Risque politique, risque-pays et risque projet, Cahiers du LIPS n°7, Paris : CNAM, Novembre 1996, pp. 19-24.
[12] Xavier Raufer, Les Superpuissances du crime : Enquête sur le Narcoterrorisme, Paris : Plon, 1993, p. 69.
[13] Traduction de l’auteur, in H. Hurt III, « It’s time to get real about Mexico », Fortune, 4 September 1995, p. 72.
[14] The New York Times, 29 Juillet 1995, source citée in J.Avilés, « Main basse sur le Mexique », Le Monde Diplomatique, Août 1996, pp.4-5.
[15] Lorsque le Président Mexicain Miguel de la Madrid termine son mandat (1982-1988), la DEA délivre 3 mandats d’arrêt contre ses proches : M. Manuel Bartlett Diaz, ancien ministre de l’intérieur, M. Juan Arevalo Gardoqui, l’ancien ministre de la défense et M. Enrique Alvarez del Castillo, ancien gouverneur de l’Etat du Jalisco. Quant à Carlos Salinas, qui vit actuellement en Irlande, son frère Raul Salinas est en prison depuis février 1995, accusé d’être l’instigateur du meurtre de José-Francisco Ruiz Massieu, le secrétaire général du PRI. Il est par ailleurs soupçonné d’avoir blanchi plusieurs centaines de millions de dollars pouvant provenir du trafic de stupéfiants, in J. Avilès, ibid.
[16] Comme le déclara très sincèrement un gestionnaire américain de fonds d’investissement : « We went into Latin America not knowing anything about the place. Now we are leaving without knowing anything about it », in M. Naim, “Latin America; the morning after”, Foreign Affairs, Vol. 74, n°4, July/August 1995, p. 53.
[17] « Depuis toujours », écrivait François Barrault, « le Chiapas a été un des hauts lieux du mouvement paysan et indien. En 1974, la ville de San Cristobal fut choisie pour être le siège du premier congrès indien du Mexique. Le gouvernement central de Mexico a toujours eu des difficultés avec les indiens du Chiapas comme avec ceux du Guatemala qui ont pris l’habitude de passer clandestinement la frontière, in « La monnaie du pauvre », op.cit., p.46. Ajoutons également que si le Chiapas est la lanterne rouge de l’Etats Fédéral Mexicain en matière économique, politique et sociale (le pauvreté y touche environ 80% de la population pour la plupart des indiens), ce pourrait être l’un des Etats les plus riches du pays : on y trouve de l’or et de l’argent, de très importantes ressources forestières et tropicales; sur son réseau fluvial très étendu de grands barrages fournissent 55% de l’électricité du pays et ses gisements pétroliers considérables produisent 21% du pétrole et 47% du gas naturel du Mexique, in B.Pinaud, Cahiers pour Croire Aujourd’hui, 15 Mai 1994, pp.9-10.
[18]cf. Raufer Xavier, Les Superpuissances du crime, op.cit., pp.60-61; également J. Castaneda, « Cracks in the foundation« , Newsweek, 4 April 1994, p.11; et enfin C. Walken, « Triomphe du Narcosystème à Mexico », Courrier International n°215, du 15 au 21 déc. 1994, pp.39-42.
[19] Sergio González Rodríguez, « Dire la violence extrême au Mexique : Deux individus armés se sont approchés…», Le Monde Diplomatique, Août 2015, pp. 8-9.
[20] « Transatlantic Free Trade Agreement », cf. infra.
[21] Au Mexique, les narcotrafiquants ont largement profité des privatisations organisées par le président Carlos Salinas de Gortari et par son successeur Ernesto Zedillo. On estime ainsi que sous leurs deux présidences, ce sont deux fois trente milliards de dollars des actifs issus des sociétés publiques vendues qui ont profité aux groupes criminels amis, in P. Meyzonnier, Trafics et Crimes en Amérique centrale et dans les Caraïbes, Presse Universitaires de France, 2000, p. 53.
[22] Pierre-Luc Abramson, « Mexique, les racines de l’actualité ou la violence et ses liens avec les politiques ultralibérales conduites en Amérique du Nord », Les Possibles N°07 Été 2015, mardi 4 août 2015. https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-7-ete-2015/debats/article/mexique-les-racines-de-l-actualite-ou-la-violence-et-ses-liens-avec-les
[23] Ibid.
[24] Ibid. cf. également, sur le sujet, Nayereh Pourdanay, Les « maquiladoras » et le développement industriel mexicain » in « Multinationales et développement », Revue Tiers Monde , t. XXIX, n°113, janvier-mars 1988. Aussi, Marie-France Labrecque et Beatriz Castilla Ramos, « Recherche sur les Maquiladoras du Sud du Mexique et en Amérique Centrale : Travail, Genre et Identité » Cahiers du LAB.RII, Documents de Travail n°234, Décembre 2010.
[25] « États fragiles et en situation de conflit – Vue d’ensemble », Banque Mondiale, Dernière mise à jour: sept. 24, 2015, http://www.banquemondiale.org/fr/topic/fragilityconflictviolence/overview .
[26] « Sur les six premiers mois de 2015 », écrit Guillaume Duval, « l’Europe a enregistré 420 000 demandes d’asile, un quasi-doublement par rapport à 2014. Et la tendance est rapidement croissante : le chiffre d’un million devrait donc être largement dépassé sur l’année. […] La question des réfugiés n’est absolument pas en première instance une question économique. Les discours utilitaristes sur le thème « l’Europe vieillissante va avoir besoin de main-d’œuvre et c’est pour cela qu’il faut laisser rentrer ces réfugiés » sont insupportables. Sans parler de ceux qui insistent sur le fait que les personnes qui cherchent asile en Europe ne sont pas des « damnés de la terre » mais plutôt les élites bien formées des pays de départ : ce serait presque au contraire une raison de s’opposer à ce que l’Europe pratique une fois de plus du « brain drain » en privant ces pays pauvres et en difficulté de leur main-d’œuvre qualifiée. Non. Si nous devons impérativement ouvrir les portes et abaisser le pont-levis de la « forteresse Europe » c’est d’abord pour des raisons humanitaires, parce que ces gens risquent leur vie et celle de leur famille s’ils restent dans leur pays et parce que nous ne pouvons plus nous contenter de laisser la charge de s’en occuper à des pays voisins comme le Liban ou la Jordanie que cette tâche insurmontable menace de déstabiliser à leur tour. », in « Europe : il faut un plan Marshall pour les réfugiés », AlterEcoPlus.fr, 02/09/2015.
[27] Cf. notre chapitre 4 intitulé « Stratégie de la ceinture verte : Stratégie du KO (chaos), in Le Management Responsable : approche critique et transculturelle, Paris : Ellipses, 2017, pp.83-87.
[28] Sionneau Bernard, « Une théorie du risque-pays (II), Géoéconomie n°19, automne 2001, pp. 188-190.
[29] Pour Mariano Aguirre, les caractéristiques des conflits de l’après-guerre froide sont les suivantes : « Les institutions des États à l’intérieur desquels se déroulent ces affrontements disparaissent, laissant un vide institutionnel dangereux : la police n’agit plus et opte pour l’un des camps en présence ; le pouvoir judiciaire s’estompe ; le gouvernement (quand il y en a un) cesse de contrôler l’ensemble du territoire national ; des lois nouvelles, que nul n’a votées, s’appliquent dans les zones en guerre. Le banditisme, de caractère politique ou crapuleux se répand, ainsi que le chaos social. Les infrastructures (routes, ponts, barrages, centrales électriques, chemins de fer, aéroports) sont systématiquement détruites par tous les belligérants, ce qui accélère la régression économique et rend aléatoires la reconstruction et le développement futurs. Les parties qui s’affrontent conduisent souvent une diplomatie sauvage, où ne valent ni la parole donnée, ni les règles élémentaires de bonne conduite. La guerre s’arrête après un cessez-le-feu hâtivement négocié, pour reprendre soudain en violation des accords, et tout recommence. Les groupes en guerre brûlent les récoltes, minent les champs et tentent de contrôler aussi bien les routes par lesquelles est acheminée l’aide humanitaire, que les camps de réfugiés, dans lesquels ils peuvent recruter de nouveaux combattants, en général chez les mineurs, in Aguirre M., « L’émergence d’un monde nouveau », Manière de Voir n°29, Février 1996, p.11-12.
[30] Cf. pour ces auteurs les références à leurs travaux en première page de ce chapitre.
[31] Ibid., p.12.
[32] Ibid., p.11.
[33] Michel Chossudovsky, « La corruption mondialisée », Manière de Voir n°33, Février 1997.
[34] Cf. la note n°21 évoquant le cas du Mexique et notre chapitre 5 intitulé « Etat mafieux : de l’URSS à la Fédération de Russie », in Le Management Responsable : approche critique et transculturelle, Paris : Ellipses, 2017, pp. 91-97. Comme le précisait M.C Dupuis, après la chute de l’Union Soviétique en 1991, le mouvement de libéralisation sauvage de l’économie a fourni aux organisations criminelles une opportunité unique de prendre leurs marques dans un paysage en pleine reconstitution. Selon le ministère de l’intérieur russe, 60% des banques ont partie plus ou moins liée avec les organisations criminelles. En 1997, une étude réalisée par une universitaire américaine et présentée à la Banque Mondiale concluait qu’en Russie, le crime organisé avait infiltré le système bancaire domestique et les marchés financiers, plus profondément que dans d’autres pays et contrôlait maintenant plus de 40% de l’économie. Solomon Brothers liste ainsi « l’activité criminelle » parmi les sept risques majeurs du système bancaire russe. La Russie, ajoute d’ailleurs Dupuis, n’est pas la seule à avoir conduit son économie sur la voie de la libéralisation en ayant recours aux privatisations de masse ; à des degrés divers, tous les pays de l’ex-bloc soviétique sont concernés par la possible infiltration d’intérêts criminels dans les sphères économiques et financières, in Finance criminelle : comment le crime organisé blanchit l’argent sale, Presses Universitaires de France, Paris, 1998, pp.141-148.