Utiliser le diagnostic mondiologique pour dire les impasses sociétales du «Capitalisme de Casino»

Utiliser le diagnostic mondiologique[1] pour dire les impasses sociétales du « Capitalisme de Casino[2] »

En 1996, Viviane Forrester publie un ouvrage intitulé L’horreur économique, qui remporte le Prix Médicis de l’essai, la même année[3]. Il y est question de perpétuation, par des « politiques artificielles », d’un « monde disparu », de « société périmée » alors qu’est en train de s’installer une nouvelle forme de civilisation dans laquelle seul un très faible pourcentage de la population terrestre trouvera des fonctions. « Pour la première fois dans l’histoire », fait remarquer l’auteure, « l’ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit nombre qui façonne l’économie et détient le pouvoir [4]». Elle pose alors cette question terrible mais néanmoins prémonitoire, eu égard aux conséquences sociales et humaines brutales de l’économie globalisée tirée par la déréglementation financière et l’innovation numérique[5] qui exprime ses « externalités négatives » dans les territoires exclus (« angles morts ») de ses bénéfices depuis les années 1980 : « La foule des hommes tenus pour superflus peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l’exploitation à l’exclusion, de l’exclusion à l’élimination…?».

A l’époque, le propos de Forrester rencontre l’hostilité des milieux patronaux français et de nombreux économistes comme Henri Lepage[6]. Selon ce dernier,  l’ouvrage permet aux Français, et plus particulièrement leurs dirigeants, de « ne pas avoir à s’interroger sur leurs propres responsabilités » et de se replier sur leurs archaïsmes intellectuels et politiques. Au point d’être la risée des commentaires de la presse internationale[7] ». Lepage[8] lance également une attaque en règle contre « La Crise du Capitalisme Mondial » (1998)[9], l’ouvrage du gestionnaire de fonds d’arbitrage, George Soros, accusé, tout en étant « l’acteur d’une grande révolution », de ne rien y avoir compris et d’avoir livré « une suite de clichés et d’idées fausses sur le libéralisme[10] ». Il faut dire que Soros, après avoir gagné beaucoup d’argent en spéculant sur le cours des monnaies européennes puis asiatiques dans les années 1990, dénonce le caractère incontrôlable et la dérive destructrice d’un système financier qui a fait sa fortune. Malheureusement pour Lepage, l’effondrement entre 1999 (l’année où il écrit) et 2001 des valeurs associées à l’économie de l’internet et l’implosion de la bulle financière qui s’ensuit,  invalide son apologie imprudente du « marché ». Et alors que cet économiste ajoute : « Que George Soros se rassure : le grand crash des économies occidentales n’est pas pour demain », quelques années plus tard, en 2007, la crise bancaire et financière des crédits « Subprime » réduit sa prophétie en cendres[11].

A l’évidence, Henri Lepage a bien été la victime, en 1999, du « fondamentalisme de marché[12] » dénoncé par Soros dans son ouvrage que le premier s’évertuait à railler. Attribuant à l’économie et ses agents libérés de toute contrainte étatique et réglementaire, des capacités d’anticipation, de décision et de régulations vertueuses qu’ils n’ont jamais eues, cette cosmogonie a bien fait la preuve qu’elle n’était pourtant, ni plus, ni moins, qu’un « conte de fées » (du même tonneau que les « comptes d’Arthur Andersen LLP pour Enron[13]). A sa décharge, il faut toutefois préciser qu’Henri Lepage a eu de « brillants » prédécesseurs, en France, des auteurs qui ont fait preuve des mêmes capacités d’incompréhension de la réalité de cette économie états-unienne tirée, depuis les années 1980, par la dépense militaire et par l’excroissance de la sphère financière et son cortège de malversations. Ne pouvait-on lire, en 1985, sous la plume de l’essayiste Alain Minc, les lignes suivantes : « La réussite des Etats-Unis exerce une pression diffuse pour nous obliger à combattre nos propres rigidités. Saluons le miracle ; acceptons le mystère ; et, surtout, suivons l’exemple.[14] »

Point de « miracle » ni de « mystère », pourtant, dans la façon dont l’économie américaine s’est redéployé et a retrouvé le chemin de ces moyens et finalités discutables (mais indiscutées alors) que sont la compétitivité et la croissance économique dans les années 1980 puis 1990. Mais des réalités contraires aux arguments avancés par les sectateurs du marché, producteurs d’ignorance quant à la façon dont l’économie américaine a organisé la « globalisation du monde ».

Le « Keynésianisme militaire[15] » à la rescousse de la compétitivité Etats-Unienne

Des points d’ombre, donc, rarement évoqués, comme, tout d’abord, cette vieille recette qui vient pourtant en contradiction avec le discours dominant d’alors sur « l’économie de l’offre[16] » : la relance de l’économie américaine par la dépense militaire et, par là même, la contribution massive de l’argent public à la « compétitivité » de pratiquement tous les secteurs de l’économie américaine[17]. Car le fameux « complexe militaro-industriel[18] » (Pentagone et Industries de la défense) est l’une des clés de voûte du système politique et économique des Etats-Unis. Vitrine et support de la puissance militaire et technologique du pays, il unit des intérêts dont les représentants peuvent occuper successivement, à différentes étapes de leurs carrières, des postes dans les forces armées, les services de sécurité, la direction et les conseils d’administration de très grandes banques et entreprises cotées (dont les médias et les maisons d’édition), universités, fondations, associations et « think tanks » qui leur sont liées[19], dans les formations politiques, et les équipes présidentielles[20]. Au cœur de cette nébuleuse régie par le principe de cooptation, l’argent public joue, par l’intermédiaire des contrats du Pentagone, un rôle clé dans la santé financière du secteur privé. Il permet, lors des phases de ralentissement de l’économie, de relancer la machine, en « subventionnant » de façon indirecte toutes les entreprises qui de près ou de loin sont concernées par les marchés publics de la défense….

[…]

Les artisans de la menace financière systémique 

Un retour en arrière est indispensable pour comprendre les raisons de décisions politiques déterminantes et leurs effets induits.

Les années 1980 sont celles d’un changement majeur des modalités et du contexte du financement des agents économiques (privés et publics). Ce changement fait suite à la décennie précédente caractérisée par la lutte contre l’inflation et contre la perte de compétitivité et de rentabilité des entreprises des pays occidentaux les plus riches. Les gouvernements de ces pays ont un objectif : réduire, voire abolir, les contraintes réglementaires de financement des économies nationales.

Les Etats-Unis ouvrent le feu[21]. Après avoir desserré les contraintes sur leur monnaie au début des années 1970 (flottement du dollar), ils entreprennent de mettre un terme aux obstacles limitant le financement de leur économie. Plutôt que d’augmenter les impôts, ils vont faire appel à l’épargne de la planète pour financer leurs dépenses budgétaires et le développement de leurs entreprises. Ils se lancent donc dans un processus de dérèglementation financière (au milieu des années 1970) qui débouche sur la fin du contrôle des changes et des mouvements de capitaux. La décision permet ainsi un recours croissant aux marchés, non seulement de la part des firmes et banques multinationales, mais également de la part des Etats fédérés et des collectivités territoriales pour financer leur dépenses de fonctionnement et d’investissement.

Dans cette aventure, la France est, dès le milieu des années 1980, l’un des premiers pays en Europe, à jouer à fond le jeu de la liberté des mouvements de capitaux[22]. Prenant l’exact contre-pied de la politique qu’ils ont défendue avec leur parti en 1981, trois hommes : un président socialiste, François Mitterrand (conseillé par l’insaisissable Jacques Attali[23]), un premier ministre, Laurent Fabius et son ministre des finances, Pierre Bérégovoy propulsent les banques, les grandes entreprises, mais aussi l’Etat français dans l’univers de la finance globalisée de marché. La loi bancaire de 1984[24] et la loi sur la dérèglementation financière de 1986 sont décisives en la matière puisqu’elles autorisent : la suppression de l’encadrement du crédit, la levée du contrôle des changes et des mouvements de capitaux, la création du compartiment des « titres de créances négociables » (TCN) du marché monétaire, le décloisonnement des marchés, la création de marchés à terme de dérivés financières – mesures qui permettent désormais aux agents économiques et au Trésor de trouver des sources de financement à court, moyen et long terme sans forcément recourir au crédit bancaire tout en ayant la possibilité de se couvrir contre les risques de prix. 

Tous ces éléments contribuent ainsi à transformer le rapport des agents économiques français à leurs métiers et leur territoire d’origine. Un seul mot d’ordre à l’époque : « les marchés plutôt que les guichets »[25]. Mais les processus de dérèglementation et de désintermédiation portés par ce slogan modifient également l’identité des investisseurs qui se portent sur les titres de la dette ou de propriété des agents économiques privés et publics. Traditionnellement, c’étaient de petits épargnants. Ils sont progressivement remplacés par l’intermédiation des OPCVM ou Sicav gérés par des banques ou des compagnies d’assurance, mais aussi par des fonds d’investissement internationaux.

L’entrée en scène des fonds d’investissement anglo-saxons

 Alimentés par les cotisations et investissements de leurs populations d’origine depuis près d’un demi-siècle, ces fonds de pension (FdP) et fonds mutuels (FM – sociétés d’investissement pour le compte de tiers) se portent progressivement sur les titres offerts par les marchés de capitaux des pays développés dont le marché français. Le résultat est que, fin 2002, sur la seule place de Paris, ils comptent pour plus de 90% des transactions sur actions et 95% des transactions obligataires[26].

Avec ces acteurs, s’impose une conception différente de l’activité économique et du rôle qu’ils entendent y jouer. Leurs gestionnaires sont en effet avant tout soucieux de « rentabilité financière » de leurs titres et motivés par une anticipation de gains et la réalisation de plus-values en capital bénéfiques pour leurs cotisants ou actionnaires. Ces gestionnaires de fonds de retraite et de fonds mutuels vont ainsi considérer les titres acquis comme des « actifs négociables » (jamais comme des « actifs immobilisés »). Opérant leurs transactions « par blocs » (à la bourse de New York, ce type de transactions implique l’achat ou la vente d’au moins 10 000 actions) ils contribuent également à augmenter le volume de titres échangés tout en réduisant la durée moyenne de détention des actifs dans leur portefeuille[27] (pour les actions, cette durée passe de deux ans à huit mois[28]), à la recherche de performances financières toujours plus élevées.

Dans de nombreux pays, les investisseurs institutionnels deviennent donc les principaux actionnaires des plus grandes entreprises et établissements bancaires cotés et les principaux acquéreurs de titres de la dette publique des Etats et collectivités locales. Ils remplacent les ménages dans leur position de propriétaires de titres et se substituent aussi en partie aux banques en tant qu’intermédiaires financiers, via la titrisation des dettes privées et publiques[29]. C’est au cours des années 1980 que ces grands investisseurs commencent d’ailleurs à revendiquer leurs prérogatives d’actionnaires, au cours de vague de rachat d’entreprises avec effet de levier, d’opérations de fusion/acquisition, d’OPA hostiles et du développement d’un marché pour le contrôle des entreprises[30]. Les Institutionnels y jouent un rôle très actif en se portant acquéreurs de titres qui vont servir au financement de ces opérations.

Par la suite, les gestionnaires de fonds recherchent, dans les placements en actions, une source privilégiée de rendements de leurs portefeuilles Et ils commencent à contester activement le pouvoir des managers, affirmant à travers leurs exigences, une conception toute financière de l’entreprise qui fait d’elle « une collection d’actifs divisibles et liquides, prêts à être cédés ou achetés au gré des opportunités de rendement financier »[31]. Avec ces gestionnaires, s’impose donc une conception financière des sociétés cotées (banques ou entreprises) [32]. Mais cette conception, comme le souligne Hervé Juvin, fait également de « l’entreprise cotée » un « modèle unique, le point d’aboutissement des formes de l’organisation économique », au détriment de l’existence d’une autre réalité : la part toujours plus importante de l’activité économique couverte par d’autres agents que sont les coopératives, les mutuelles, les associations, les collectivités territoriales, l’administration d’Etat. C’est donc faire oublier, comme le souligne Juvin, les quelques « 50 millions de sociétaires des coopératives et des mutuelles qui forment la partie cachée de l’iceberg financier européen » [33]et qui ont su fonctionner avec d’autres « valeurs » que celle des sociétés cotées.

Ces sociétés cotées, vont, en effet, devenir très facilement vulnérables, motivant leurs directions à prendre toujours plus de risques dans leur gestion quotidienne. Le phénomène s’explique assez facilement. La menace permanente de vente de leurs titres que les gestionnaires de grands fonds agitent à la face des directions d’entreprises, de banques ou des directions du Trésor, la possibilité qu’ils ont de s’affranchir de tout engagement financier du jour au lendemain, leur donnent le pouvoir de revendiquer leurs prérogatives d’actionnaires-propriétaires ou de prêteurs et d’exiger des entreprises et des gouvernements, des politiques conformes à leurs attentes, et des niveaux de retour élevés sur investissement (principe du « pouvoir de l’actionnaire »). Dans le même temps, en tant qu’acteurs majeurs des marchés financiers en quête perpétuelle de rentabilité, ils contribuent à leur instabilité croissante, en multipliant les transactions et opérations de placement de plus en plus risquées.

« Le capitalisme de casino »[34] 

En l’espace de quelques années, les gouvernements américains et britanniques, suivis par des pays européens comme la France (cf. supra) créent ainsi les fondements de ce que certains économistes appellent la « dictature des créanciers [35] ». Ils libéralisent et en décloisonnent leurs systèmes financiers nationaux, en transformant les circuits de financement de la dette publique (ce qu’on nomme la « titrisation »), en laissant les marchés fixer le niveau des taux d’intérêt à long terme [36] mais aussi les taux de change (souvent surévalués et corrigés parfois brutalement par les marchés).

Le régime est particulièrement favorable aux institutions financières non bancaires (Fonds de retraite[37], Fonds Mutuels américains, Assureurs privés, etc.), qui accèdent alors aux marchés en tant que prêteurs. L’importance du volume de leurs actifs [38] en fait rapidement des forces d’intervention majeures. Au niveau national et international, leur irruption sur des compartiments du jeu financier auxquels elles n’avaient jusque-là pas accès[39], a des conséquences sur l’investissement des entreprises, les dépenses publiques, la consommation privée. Dans la mesure où la logique guidant les opérations de ces institutions est la recherche du montage qui procure le meilleur rapport coût-risque-rendement, États ou entreprises vont, pour les attirer, s’efforcer d’assurer une rémunération de leurs investissements aussi intéressante et peu risquée que possible. Des taux de change et d’intérêt attractifs, des dividendes élevés [40] deviennent la condition requise, avec les effets suivants :  les détenteurs de titres de créances publique ou privées (obligations), de titres de propriété (actions) se voient attribuer, par le biais de la « marchéisation » (par la titrisation) des effets publics, de la privatisation, de leurs prises de participation dans le capital des entreprises (IDE, investissement de portefeuille), une fraction croissante des ressources publiques et privées pour rémunérer leurs investissements (par le canal de l’impôt ou des dividendes[41]), au détriment de l’investissement collectif et du salariat.

Cette situation aboutit à placer les responsables d’institutions financières non bancaires en position de dicter les termes de leurs politiques à des États ou des entreprises (corporate governance). Notons toutefois que les grands groupes industriels tirent eux-mêmes une part croissante de leurs ressources, d’opérations financières [42] réalisées sur différents marchés (changes, marchés monétaires, marchés à terme de produits dérivés, etc.), mais également d’opérations d’acquisitions-fusions (Mergers and Acquisitions, M&A). Facilitées par l’imagination déployée par des banquiers d’affaires pour les rendre attractives (Boostraps, Leveraged Buy-Outs, Junk Bonds)[43], ces dernières ne visent pas l’extension de la production au moyen de la création de capacités nouvelles, mais sont à l’origine de restructurations et de « dégraissages » dont la mise en œuvre permet de mieux rémunérer les propriétaires du capital des entreprises, donc de les fidéliser, et d’attirer de nouveaux actionnaires (l’annonce de ces opérations a souvent pour effet de faire bondir la côte boursière des actions des sociétés concernées).

Au début des années 1980, les gestionnaires de fonds anglo-saxons commencent à investir en direction de marchés émergents et dans les années 1990 ils y augmentent leurs placements. Puis ils effectuent des retraits brutaux qui provoquent l’effondrement du marché des actions et des marchés des changes des pays concernés. Même si ces placements ne représentent qu’une part marginale de leur portefeuille global, leurs flux et reflux déclenchent une succession de crises financières en Amérique latine et en Asie dans les années 1990. Ayant tendance à se comporter de façon mimétique, ils amplifient la volatilité des mouvements de capitaux et du prix des actifs sur des places financières à fable liquidité. Car sur ces places, les moindres mouvements de portefeuilles peuvent avoir des effets disproportionnés, compte-tenu de leur poids relatif dans la capitalisation boursière de ces économies.

En déversant massivement des liquidités sur différents marchés d’actifs, les gestionnaires de grands fonds contribuent aussi à gonfler la demande de placement, à laquelle répond le recours accru des entreprises et des Etats au marché financier. Mais ils contribuent également à inciter les dirigeants des entreprises ou des banques cotées à tout faire pour tirer les cours de leurs établissements à la hausse, dans le but de satisfaire leurs exigences de rentabilité et de recherche de rendements supérieurs à ceux de leurs concurrents (les autres sociétés de gestion d’actifs pour le compte de tiers).

Ce faisant, les investisseurs institutionnels participent à la formation et l’entretien de bulles spéculatives à répétition, dont celle de l’année 2000 marque particulièrement les esprits, après les révélations de manipulations comptables frauduleuses et de faillites retentissantes de quelques géants américains présentés pourtant comme les symboles et les modèles d’une nouvelle économie (une économie du « win-win » dans laquelle de grandes entreprises semblaient avoir le pouvoir de créer toujours plus de valeur pour leurs actionnaires et pour le plus grand bien de toutes les « parties prenantes ») : la faillite d’Enron[44] la plus médiatisée, mais derrière, une liste : Tyco, World Com (11 milliards de dollars de fraude), Global Crossing, QWest, Xerox, etc. En Italie : Parmalat et en Hollande Ahold.

Dans le même temps, les contraintes très fortes de rentabilité exercées sur les Mutual funds (ceux qui gèrent les plus importants volumes d’actifs à l’échelle du globe) poussent leurs gestionnaires à calquer leurs pratiques et leur horizon d’arbitrage (le très court terme[45]) sur celles des professionnels des Hedge funds, ces fonds hyper spéculatifs[46]. Certaines sociétés d’investissement, gestionnaires de Mutual funds, se portent même acquéreurs de Hedge funds. Mais cette proximité va les entraîner, pour certains, à commettre des faux pas, révélés à partir de 2003, lorsqu’une quinzaine d’entre eux, importants et anciens, font l’objet d’enquêtes et de poursuites de la part des autorités de régulation. Ces mutual funds, dont un Américain sur deux dépend pour sa retraite (par délégation de leur FdP), sont donc accusés de pratiques illicites aux dépens de leurs actionnaires (nombre d’entre eux sont des titulaires de plans de retraite fragiles dont les rentes futures ne sont pas garanties- les fameux 401 (k).

A partir du krach de 2000, et suite à la baisse de valeur de leurs portefeuilles d’actifs, de nombreux fonds de retraite se retrouvent en situation de sous-financement, créant par là même de fortes tensions sur le système de retraite américain par capitalisation Leurs gestionnaires se mettent donc en quête de placements plus diversifiés et rémunérateurs mais aussi plus risqués. Ils commencent à investir indirectement dans des Hedge funds, par l’intermédiaire d’une partie de leur gestion déléguée aux Mutual funds. Cette situation ne peut alors qu’inquiéter de nombreux observateurs, conscients des risques associés à la gestion des fonds spéculatifs (exploitation systématique des anomalies ou des distorsions temporaires de prix des actifs). En juin 2006, la Banque centrale européenne les qualifie d’ailleurs de « risque majeur » pour la stabilité financière internationale, et cela, juste un mois après que la Réserve Fédérale américaine ait exprimé les mêmes craintes[47]. Qu’est ce qui préoccupe les banquiers centraux? Tant que les Hedge funds n’attiraient que les capitaux de riches individus en mal de sensations avec des placements risqués, il n’y avait pas de problème. Mais lorsque plus de la moitié de leurs clients sont des institutions financières (banques, Mutual funds, compagnies d’assurance) attirées par des promesses de retours élevés sur investissements, le risque change de dimension. De plus, ces fonds utilisent des effets de levier très importants, empruntant des montants beaucoup plus élevés que les capitaux qui leur sont confiés. Toute menace de défaillance ou de faillite sur de gros Hedge funds (cf. la faillite de LTCM en 1998) peut ainsi avoir des conséquences dramatiques sur des systèmes financiers et sur la croissance mondiale. Dernières préoccupation des observateurs, l’opacité entourant la gestion des Hedge funds et les renversements brutaux de tendance dont ils peuvent être à l’origine. Pour l’opacité, déjà interdits de publicité sur leurs performances par leur statut aux Etats-Unis, 80% d’entre eux sont enregistrés aux îles Caïmans et personne ne peut donc connaître vraiment le niveau de risques pris par ces fonds ou par ceux qui leur confient leur argent. Quant aux retournements brutaux de tendance sur les marchés, ils s’expliquent par l’impact des arbitrages de ces fonds, dont les gestionnaires sont supposés détenir des informations que les autres grands fonds ne possèdent pas. Mais les chocs économiques et sociaux induits par les ventes massives de titres que leurs décisions de retrait génèrent, sont d’autant plus redoutables que leurs gestionnaires s’engagent sur des marchés financiers à risque pour obtenir des retours élevés sur leurs investissements. Cela explique pourquoi les capitalisations boursières peuvent augmenter très rapidement en Asie, Amérique Latine, Moyen Orient, Europe centrale, alors même que les nouvelles émissions d’actions restent très faibles sur ces places. L’arrivées de capitaux dans les pays émergents servent donc autant à la spéculation qu’au financement de l’économie réelle. A la mi-décembre 2006, un avertissement avait pourtant été redonné avec la chute brutale de 15% de bourse thaïlandaise, après l’annonce faite par sa banque centrale de stopper l’entrées de capitaux spéculatifs. Les Hedge funds, par leurs stratégies d’arbitrages, étaient donc identifiés comme des vecteurs avérés et potentiels de crises financières graves[48]. Bien entendu, les professionnels du secteur ne partagent pas cet avis. Selon eux, les Hedge funds apportent « liquidité et transparence accrues » aux marchés financiers[49].

Mutation et nouveaux risques des systèmes bancaires   

Malgré le discours dominant, au cours des années 1980, sur la « désintermédiation[50]» (la possibilité pour les agents économiques de ne plus recourir systématiquement aux prêts bancaires), les banques ne quittent pas pour autant le devant de la scène économique mondiale (elles sont au centre et… partout), que ce soit en France et aux Etats-Unis. La loi bancaire de 1984 et la loi sur la dérèglementation financière de 1986 contribuent ainsi à la mutation des banques françaises en les précipitant dans « l’économie des marchés financiers ». Nonobstant la régression induite de leur principale activité qui était le crédit, elles vont occuper une place importante sur les marchés de capitaux, car la dérèglementation leur permet de multiplier les sociétés financières satellites (OPCVM, SICAV). Les banques, reviennent donc en force dans l’« intermédiation », mais cette fois, dans « l’intermédiation de marché ». Pour illustration, en 1996, la majeure partie des 5294 OPCVM existant en France sont des émanations des banques et, toujours la même année, sur le marché monétaire (capitaux à court terme), 88% du financement des grandes entreprises (Billets de Trésorerie – BT) sont pris en charge par les banques[51]. Cette évolution de l’actif des banques entraîne une modification des sources de leur rentabilité et un changement de la nature du risque bancaire.

Ce « risque bancaire », comme l’explique Françoise Renversez (2008), va être progressivement être moins lié aux risques conjoncturels (variation de demandes de produits ou services) des entreprises (par le biais du crédit). Ce risque bancaire sera désormais lié aux mouvements spéculatifs de marchés financiers et à leurs accidents de parcours. Le métier de la banque a donc muté, expliquant en France leur transformation en « banques universelles » et les fusions d’activités sous de nouvelles enseignes (BNP et Paribas deviennent BNPP) : il s’est progressivement étendu à la gestion de portefeuille d’actifs financiers négociables (marchés des capitaux à court, moyen et long terme, et dérivés financières) pour le compte de tiers mais également « en compte propre ».  Les banques participent ainsi à la croissance de tous ces compartiments (croissance des activités de marché) dont une partie des activités va relever du « hors-bilan ». Or cette partie « hors-bilan » pose un problème : dans la mesure où il est difficile d’en obtenir une saisie statistique qui est la base d’un traitement économétrique, il devient aussi difficile de calculer l’évolution réelle de la rentabilité des banques et surtout l’origine réelle de cette rentabilité[52]. C’est dans la suite logique de cette « financiarisation de leurs activités » que les banques américaines conçoivent, deux décennies plus tard, les fameux crédits « subprime ». Leur matérialisation fait appel à toutes les ressources de la créativité en matière d’innovation financière et interpelle l’observateur à deux niveau : tant par le caractère fragile de la construction et du produit fini ; que par le côté assez peu « éthique » d’une catégorie de prêts et de titres adossés, créés pour tirer profit de la fragilité de couches entières de la population (sous le prétexte originel, assez peu crédible après la crise, de venir en aide à ces populations sans toutefois perdre de l’argent).

Un retour en arrière sur la crise des crédits « subprime » et le florilège d’interprétations fallacieuses la concernant[53], faites par des « universitaires-banquiers » en France est, ici, nécessaire pour évaluer les conséquences sociétales de leur « servitude volontaire ».

[…][54]

Comme le rappelle Ibrahim Warde (2008), « 2007 avait débuté sous les meilleurs auspices. Les banques affichaient alors de bons résultats, et de nombreux participants — tels les fonds spéculatifs ou de private equity, dont les stratégies étaient fondées sur l’endettement facile — se préparaient à battre de nouveaux records. Mais l’année se termina dans la tourmente. Au printemps, le secteur des subprime connut ses premières difficultés, sans pour autant susciter de grandes appréhensions[55] ». Une fois de plus, la myopie des experts était complète, comme lors des crises précédentes. En témoigne alors la déclaration d’Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS et enseignant à Sciences Po’ : « Dans quelques semaines, le marché se reformera et les affaires reprendront comme auparavant. Il y aura des pertes, des faillites, puis les fonds actuellement fermés rouvriront et susciteront à nouveau des appétits » (Le Monde, août 2007)[56]. Cette analyse est partagée par Jean-Hervé Lorenzi, président du cercle des Economistes et professeur à l’Université Paris-Dauphine : « La crise du crédit immobilier n’est pour l’instant pas gigantesque. Pas de quoi gripper les moteurs de la croissance » (Libération, août 2007)[57]. L’été 2008 génère des pronostics toujours aussi faux, comme celui de Christine Lagarde, alors ministre des Finances, sur BFM : « Le gros de la crise est derrière nous » ou de Daniel Cohen, professeur à l’Ecole Normale Supérieure et à l’Ecole d’Economie de Paris, « La bonne nouvelle, c’est que cela ne durera pas plus longtemps » (Capital, septembre 2008)[58]. Mais les élites françaises de l’économie n’en ont pas encore fini avec la prévision défectueuse. Un an plus tard,  Ernest-Antoine Seillière, auparavant président du Medef, démontrant qu’il est toujours prêt à croire en des idées fausses, n’hésite pas à affirmer : « Après quelques mois de tentations règlementaires, le calme revient et c’est tant mieux. L’autorégulation fonctionne, pas besoin de beaucoup de textes » (Les Echos, 3 juin 2009)[59]. Deux ans après, il ne manque plus à ce florilège de paroles d’experts, que le mot de Dominique Strauss-Kahn, encore directeur du FMI : « Les pires nouvelles sont derrière nous » (mai 2011)[60].

Avec la crise des crédits subprime, le monde de la finance, qui pensait avoir maîtrisé le risque, découvre que les modèles sophistiqués que ses experts utilisent pour le gérer, sont en réalité bien fragiles ; des produits dérivés pourtant bien évalués par les agences de notation, ne trouvent plus preneurs ; les établissements les plus prestigieux ne sont plus en mesure d’évaluer une part importante de leurs actifs[61]. En outre, les nouvelles normes comptables, censées assurer la stabilité et la transparence du système, ajoutent à sa volatilité et à son opacité, créant du coup une « crise de liquidité » à laquelle vient s’ajouter une « crise de confiance ». Une autre réalité s’impose progressivement : les produits dérivés, qui ont permis au fil des ans de réaliser des bénéfices très élevés, sont sur le point de devenir, selon l’expression de l’investisseur Warren Buffett, « des armes de destruction massives[62]  ». Le « risque systémique » d’un effondrement de l’ensemble du système bancaire se précise, et la possibilité d’une crise semblable à celle des années 1930 est évoquée.

« Dans ce contexte de panique généralisée », écrit Ibrahim Warde, « banques centrales, régulateurs et gouvernements dérogent à leurs principes et à leurs règles de fonctionnement[63]. Le 17 février 2008, le ministre britannique des finances annonce la « nationalisation » de la banque Northern Rock. Le 16 mars, la Réserve fédérale américaine organise le sauvetage de Bear Stearns, 5ème banque d’affaires des Etats-Unis, en fournissant à la banque JP Morgan Chase les fonds nécessaires pour reprendre l’établissement. Mais elle n’en reste pas là. Bien qu’ayant reconnu le rôle joué, entre 2001-2006, par l’abaissement des taux d’intérêt dans l’alimentation de la bulle immobilière, la Fed décide de réduire massivement ses taux d’intérêt, abandonnant ainsi son objectif de lutte contre l’inflation. Quant au Congrès, il apporte un soutien sans faille à une politique de relance de type keynésien, tandis que le gouvernement américain, pourtant entièrement acquis aux « solutions de marché », multiplie les interventions ponctuelles pour soulager les institutions et les débiteurs les plus exposés à la débâcle immobilière[64] ». Face au spectre d’une récession et aux risques d’un effondrement du système financier, est même alors accepté ce qui paraissait auparavant impensable, l’intervention de « fonds souverains étrangers».

A la suite de cette crise financière majeure avec laquelle se clôture la première décennie du nouveau millénaire, le secteur bancaire procède à des ajustements drastiques en termes d’emplois. Goldman Sachs, l’établissement de Wall Street qui a su le mieux gérer la crise des subprimes, supprime jusqu’à 10% de ses effectifs dans sa division de banque d’affaires au cours de l’année 2008. Ces suppressions d’emplois s’ajoutent aux 5 % des effectifs de la banque qui sont remerciés faute de résultats suffisants. Plombé par des résultats bien moins satisfaisants son rival Citigroup décide également de réduire ses effectifs dans la banque d’affaires. La banque annonce vouloir supprimer 10 % des effectifs de cette division, qui compte 65 000 personnes dans le monde. Citigroup, qui emploie plus de 350 000 personnes a déjà licencié quelque 9 000 salariés à la fin mars. Ceux, toutefois, dont les décisions ont présidé aux destinées malheureuse de ces établissement s’en sortent plutôt bien, financièrement parlant, même lorsqu’il leur est demandé de partir, suite à une gestion pour le moins hasardeuse. Ainsi, Charles Prince, patron de Citigroup, géant de la banque qui est allée d’affaires en affaires et de renflouement en renflouement depuis deux décennies, est remercié, en novembre 2007, avec un bonus de 12,5 millions de dollars (en baisse par rapport à année précédente : 13,8 millions de dollars). Son collègue de Merrill Lynch, Stanley O’ Neal, congédié au même moment, emporte avec lui la somme de 161,5 millions de dollars. Quant à Angelo Mozillo, l’un des trois principaux dirigeants de Country Wide Financial Corporation, société au bord de la faillite reprise par Bank of America, après avoir empoché quelques 60 millions de dollars en salaires et primes entre 2003 et 2006, puis 129 millions de dollars à la suite de vente d’actions entre 2006 et 2007, on apprend qu’il doit recevoir 66 millions pour solde de tout compte. Comme le résume alors Landon Thomas, journaliste au New York Times: « Quelle que soit l’ampleur des pertes dont ils sont responsables, les gros bonnets retombent toujours sur leurs pieds. Les véritables victimes sont ceux qui occupent des emplois subalternes et dont les postes sont éliminés même s’ils n’ont rien à voir avec la crise des subprime. [65]» 

Prospérité insolente pour une minorité et contagion banalisée de la précarité pour le plus grand nombre

Les résultats sociaux, justement, de ces trois décennies de « miracle économique» tiré par la finance sont aujourd’hui connus, mais dès les années 1990, des personnalités difficilement soupçonnables d’être des « gauchistes » en identifiaient déjà les failles sociétales. Le professeur Klaus Schwab, fondateur du forum de Davos, déclarait alors : « La mondialisation est entrée dans une phase très critique. Le retour de bâton se fait de plus en plus sentir. On peut craindre qu’il ait un impact fort néfaste sur l’activité économique et la stabilité politique de nombreux pays [66] ». Dani Rodrik, professeur d’Economie politique internationale à la Kennedy School d’Harvard concluait, à la suite d’un travail de recherche sur les effets de la mondialisation : « Il existe un danger réel ; celui de voir la mondialisation contribuer à la désintégration sociale – les nations étant divisées selon des lignes de fractures partageant leurs populations en fonction des revenus, de la mobilité, du lieu de résidence et de travail, ou d’autres critères socialement discriminants ». Rodrik ajoutait : « même sans réaction protectionniste brutale, une victoire de la mondialisation obtenue au prix d’une désintégration sociale serait une victoire vide de sens [67] ». Ted Turner, fondateur de CNN, s’inquiétait des conséquences sociales qui pouvaient résulter de l’aveuglement et de l’égoïsme de ses collègues entrepreneurs, multimilliardaires en dollars : « Les grands millionnaires s’empressent de licencier des cadres moyens quinquagénaires. Nous ressemblons de plus en plus au Mexique et au Brésil, où les riches vivent derrière des barbelés, comme ils le font à Hollywood. L’État et les municipalités sont au bord de la faillite et pendant ce temps, tout l’argent est concentré entre les mains d’une poignée de gens fortunés qui ne donnent pas un sou. C’est dangereux, et pour eux, et pour le pays. On risque de voir éclater une révolution similaire à la Révolution française.[68] ». Rosabeth Moss Kanter, auparavant directrice de la Harvard Business Review, écrivait : « Il faut créer la confiance chez les salariés, et organiser la coopération entre les entreprises, afin que les collectivités locales, les villes et les régions bénéficient de la mondialisation. Sinon, nous assisterons à la résurgence de mouvements sociaux comme nous n’en avons jamais vu depuis la seconde guerre mondiale [69] ». Percy Barnevik, ancien dirigeant de Asea Brown Boveri – ABB (multinationale suédo-suisse, l’une des principales compagnies mondiales dans le secteur de l’énergie) grand « restructurateur » assez peu porté, à l’origine, sur la prise en considération des problèmes sociaux nationaux [70], poussait un cri d’alarme : « Si les entreprises ne relèvent pas les défis de la pauvreté et du chômage, les tensions vont s’accroître entre les possédants et les démunis, et il y aura une augmentation considérable du terrorisme et de la violence [71] ». Paul Krugman donnait alors une explication lucide de cette économie bien particulière, tirée par la finance, dont la croissance, loin de favoriser une « contagion de la prospérité » était plutôt synonyme de « contagion de la précarité » et vectrice d’inégalités dont aucune société ne sortirait gagnante.  « Le problème », expliquait alors P. Krugman, « c’est qu’aucune raison purement économique n’empêche l’économie de continuer à croître, alors qu’une fraction substantielle de la population voit son niveau de vie baisser. La théorie économique ne suggère aucun lien particulier entre l’équité ou la justice et la croissance et aucune preuve n’existe que l’inégalité des revenus ait de grands effets sur le taux de croissance économique, que ce soit en positif ou en négatif. Alors, où se situe la crise ? La réponse est qu’elle se situe dans la société et finalement dans la sphère politique. […] Quelqu’un qui se trouve dans le quintile supérieur de revenus n’a pas de raison de s’intéresser particulièrement à la progression de la pauvreté en Amérique ou du chômage de masse en Europe, dans la mesure où ces phénomènes ne menacent pas directement son niveau de vie. […] De chaque côté de l’Atlantique, les forces économiques séparent de plus en plus la société en deux : ceux qui ont de bons emplois et dont le revenu augmente, et ceux qui ont comme perspective, soit des revenus en baisse, soit un chômage plus ou moins permanent. En fin de compte, il reste difficile de prévoir l’effet des disparités économiques croissantes sur notre santé économique et sociale, mais il est peu probable que ce soit agréable[72] ».

L’effet des disparités économiques, justement, ainsi que leurs conséquences concrètes (sociales et environnementales), étaient déjà illustrées, en 2003, par le Trésorier de l’État de Californie, Phil Angelides[73]. Rappelant que la Californie avait terminé la décennie 1990 comme l’État le plus riche des États-Unis, il évoquait le paradoxe d’un État dont le budget était pourtant gravement déficitaire. En sus du choc national créé par les attentats terroristes de septembre 2001, il en attribuait la raison à la très sévère récession que les États-Unis connaissaient, redevable, selon ses mots, à « l’éclatement de la bulle financière associée aux valeurs de l’internet et à l’effondrement boursier qui a suivi, accentué par une marée de scandales de gouvernance d’entreprises inédite depuis les années 1920 ». C’était donc dans ce contexte économique très difficile, encore aggravé par une crise de l’énergie redevable à une surconsommation et une tendance à sous-investir dans les infrastructures, que la Californie devait faire face à deux défis majeurs : les pics de pollution de l’air dus à l’encombrement du trafic routier ; la croissance des inégalités entre riches et pauvres. Pour la pollution de l’air, on recensait en Californie 8 des 24 bassins les plus touchés par la pollution à l’ozone ; et pour les inégalités, la Californie avait vu les écarts s’aggraver même au cours du boom économique des années 1990, se classant parmi les quatre Etats des Etats-Unis les moins performants dans ce domaine. Angelides exprimait alors très clairement les liens entre ces deux catégories d’enjeux et les risques associés : « L’échec de la formation dans les communautés les moins privilégiées aura un impact sur la qualité de la main d’œuvre ; la pauvreté alourdira le poids des impôts sur l’Etat de Californie et ses municipalités ; l’inégalité des chances nuira à la confiance dans le processus politique ; une croissance marquée par la séparation des communautés dans l’espace, en aggravant l’étalement urbain, sera source de pollution de l’air exacerbée ». Autant de facteurs qui allaient à l’encontre de l’attractivité californienne en termes d’investissements extérieurs.

Près de dix ans plus tard, l’économiste Joseph Stiglitz[74], élargissait et confirmait les analyses d’Angelides, mais cette fois, à l’échelle de la société américaine. Aux États-Unis, précisait Stiglitz, l’année 2011 avait vu le mouvement « Occupy Wall Street »aller au-delà de la dénonciation de la sphère financière, pour attirer l’attention sur l’injustice générale de la société américaine. Ses membres avaient d’ailleurs pris un nouveau nom: « les 99% », en référence, selon lui, à un article de 2011 qu’il avait écrit dans un article de la revue Vanity Fair, intitulé « Du 1%, pour le 1%, par le 1% ».  (D’autres lui contestaient la paternité de ce libellé).  L’économiste partait des constats suivants : 1% de la population américaine contrôlait 40% de la richesse produite aux États-Unis (25 ans auparavant, les chiffres étaient de 12% pour la population et 33% pour la richesse contrôlée). En termes d’égalité de revenus, les résultats des États-Unis étaient proches de ceux de pays comme la Russie des oligarques ou l’Iran. Or, précisait Stiglitz, une économie, dans laquelle la plupart des gens voyait ses revenus diminuer année après année, comme c’était le cas pour l’Économie américaine, était une économie fragile pour plusieurs raisons : tout d’abord, la montée des inégalités signifiait que le pays était incapable de tirer le meilleur profit des capacités productives d’une partie de sa population; ensuite, certains secteurs comme la finance, en raison des revenus astronomiques servis, attiraient trop de jeunes talent qui pouvaient être mieux employés dans des secteurs essentiels pour développer une économie saine et productive; également, la formation de monopoles puissants ou de situations salariales ou fiscales préférentielles accordées à des intérêts particuliers, fragilisait l’économie; enfin, un sous-investissement chronique dans des domaines aussi essentiels que l’éducation, les infrastructures, la technologie, etc., témoignaient d’une société qui distribuait mal sa richesse. De fait, aux États-Unis, « Les riches n’ont pas besoin du gouvernement pour leurs parcs, leur éducation, leur santé ou leur sécurité personnelle. Ils peuvent se les payer, et de la sorte, s’éloignent des conditions de vie des gens ordinaires envers lesquels ils ont de moins en moins d’empathie. Ils ne veulent d’ailleurs pas d’un gouvernement fort qui pourrait utiliser ses pouvoirs pour rétablir l’équilibre, prendre un peu de leur argent et investir pour le bien commun. Le 1% au sommet de la pyramide se plaint du gouvernement américain, mais en fait, il s’en accommode, car le gouvernement est trop paralysé pour redistribuer, trop divisé pour agir sauf lorsqu’il est question de réduire les impôts[75] ».

Les années 1980 et 1990 se sont ainsi révélées particulièrement lucratives pour les populations dont les revenus et patrimoines étaient associés à la finance. Les faits parlaient d’eux-mêmes : en août 2007, tel trader vedette de Goldman Sachs, se plaignait, à sa direction, de la faiblesse de ses revenus annuels de 70 millions de dollars, comparés à ceux de ses collègues, gestionnaires de Hedge funds qui pouvaient atteindre 100 millions de dollars ou de ceux de fonds comme Fortress et Blackstone dont l’un de ses amis (dirigeant de Fortress Investment Group), un certain Peter L. Briger, était devenu milliardaire presque du jour au lendemain[76]. La revendication confirmait en fait la réalité difficilement concevable pour le commun des mortels, des sommes engrangées par les stars de la gestion de Hedge funds, rassemblées dans une partie des Etats-Unis (Greenwich, Connecticut), isolée de l’Amérique économiquement sinistrée : Eddie Lampert, ESL Investments : 1,5 milliard de dollars   ou Paul Tudor Jones, de chez Tudor Investment : 800 millions de dollars, respectivement premier et second au palmarès 2006 des dix plus gros revenus annuels de ce secteur[77]. Mais ce n’était pas assez. En 2009, après le séisme mondial des Subprimes, les gestionnaires de Hedge funds engrangeaient des sommes inédites. « Les 25 dirigeants de fonds spéculatifs les mieux payés au monde ont perçu 25,33 milliards de dollars (18,6 milliards d’euros), soit plus du double de ce qu’ils ont gagné en 2008, selon le classement annuel du magazine AR Absolute Return+Alpha dévoilé par le New York Times.[78] » Les cinq premiers avaient perçu plus d’1 milliard de dollars de revenu, grâce au rebond des marchés de titres. Le palmarès de tête était le suivant : n°1 : avec 4 milliards de dollars, David Tepper (Appaloosa Management) qui avait parié sur le rebond des banques et sur la dette de l’assureur américain AIG, sauvé de la faillite par l’intervention de l’Etat ; n°2 : George Soros (Soros Fund Management) qui affichait plus de 3, 3 milliards de dollars ; n°3 : James Simons, (Renaissance Technologies), qui avait, pour sa part, gagné 2, 5 milliards de dollars[79]. Quant à John Paulson, encensé, deux ans auparavant, pour avoir été l’un des rares traders à avoir misé sur la débâcle de l’immobilier, l’Américain n’avait touché que 2, 4 milliards de dollars en 2009, contre 3, 7 milliards à l’époque. La réalité était là : dans la possibilité, pour une poignée d’individus de gagner (ou de perdre), en un minimum de temps, des sommes astronomiques, sans considération aucune pour les conséquences globales éventuelles des arbitrages associés à ces gains (ou pertes) ou pour la fragilité des modèles[80] et des montages qui en sous-tendaient la mise en œuvre.

Pour autant, et à l’encontre des analyses faites par tous ceux qui ont intérêt à préserver le système économique actuel, malgré ses failles abyssales, le monde qui est celui de « l’économie de casino » et du « capitalisme du grand large » est en train de basculer. Vulnérabilités financières de nos sociétés, accroissement des inégalités et menaces structurelles majeures (alimentaires, criminelles, terroristes, environnementales, etc.) se combinent pour produire, aujourd’hui, un ensemble de tensions internationales et infranationales de plus en plus difficiles à endiguer et gérer.Dans cet environnement hautement volatil, agents économiques et leurs élites, ceux-là même qui ont installé, justifié et profitent le plus de la mondialisation, ont de plus en plus de mal à convaincre des capacités « autorégulatrices » d’un système, démenties chaque jour depuis 30 ans, par les faits.

En France, le public comprend également que l’activité des grandes entreprises cotées n’est plus liée au sort du territoire national : de fait elles réalisent, pour nombre d’entre elles, une part croissante de leur chiffre d’affaire et de leurs bénéfices hors des frontières de l’hexagone et de l’Union Européenne et l’ouverture de leur capital les expose à changer de propriétaires du jour au lendemain. Dans le même temps, ce grand public subit le choc de crises structurelles combinées qui impactent directement son mode de vie, son pouvoir d’achat et compromettent son avenir professionnel et familial. Quant aux champions économiques nationaux, leur réussite mondiale attire les convoitises. L’ouverture de leur capital les rend vulnérables aux appétits de prédateurs dont les ambitions criminelles, souveraines, et les valeurs, ne sont pas forcément compatibles avec les exigences de démocratie et de sécurité nationale de notre pays[81].

Dans ce contexte, les élites économiques des pays riches sont en perte de légitimité et de crédibilité. Protégées par des revenus qui les mettent, ainsi que leurs familles, à l’abri de tous les aléas de l’économie financière, ce statut ne s’accorde plus avec l’exigence de « compétitivité » et les réalités de déflation salariale, précarité de l’emploi et dégradation des conditions de travail, qu’elles entendent imposer au plus grand nombre en les présentant comme des éléments incontournables de « progrès » et de lutte contre les « archaïsmes » que sont les « acquis sociaux ». Pour un ancien président de la République française, la dernière crise, celle des crédits subprime est d’ailleurs un véritable coup de semonce adressé à la mondialisation[82]. Il y voit un double problème : un scandale éthiqueet un problème d’élites.  Le premier point a été abordé mais celui des élites est posé de la façon suivante : les élites ne s’orientent plus vers la vie publique. Leurs représentants vont travailler dans les entreprises et les banques[83]. Ils voient ainsi le monde à travers le prisme d’un système qui privilégie le « laisser-faire pour maximiser les profits ». De fait, dans ce référentiel,  les profits peuvent être immenses, tout comme les crises et les pertes. Mais jusqu’ici, les espoirs de gains, difficiles à concevoir tant les chiffres sont élevés, l’ont emporté sur toute autre considération de prudence et de retenue pour l’intérêt du plus grand nombre.

La réalité est donc là : dans la possibilité, pour une poignée d’individus de gagner (ou de perdre), en un minimum de temps, des sommes exorbitantes, sans considération aucune pour les conséquences sociétales parfois catastrophiques des arbitrages associés à ces gains (ou pertes) ou pour la fragilité des modèles et des montages qui en sous-tendent la mise en œuvre. Cette économie, ses pratiques, la philosophie des « jeunes loups aux dents longues » qui la porte – tous éléments à l’origine de la fragilisation de nos pays les plus riches et de la « contagion de la précarité » (opposé à la « contagion de la prospérité » des trente-glorieuses) peuvent être résumés en une seule phrase, empruntée à l’œuvre de l’humoriste et cinéaste nord-américain Woody-Allen : «Prends l’oseille et tire-toi [84]». Mais ses conséquences planétaires sont moins souriantes : elle l’ancre en effet dans « l’ère de l’irresponsabilité globale », vectrice de toutes les insécurités.


[1] Cf. Bernard Sionneau, « Fondements épistémologiques d’une démarche mondiologique », Blog World Issues and Services, WISer, 27 Novembre 2018, https://worldissuesandservices.org/2018/11/27/49/ .

[2] C’est le titre d’un ouvrage de Susan Strange, souvent présentée comme la fondatrice de l’économie politique internationale (EPI), in Casino Capitalism, Oxford, New York : B. Blackwell,‎ 1986.

[3] Viviane Forrester, L’horreur économique, Paris : Fayard, 1996. C’est à la suite de cet ouvrage qu’ « elle acquiert une grande notoriété en tentant de s’approprier une discipline qui n’était originellement pas la sienne. » […] Et elle va devenir la nouvelle pasionaria des injustices économiques : dans son best-seller (traduit dans une trentaine de langues, vendu à plus d’un million d’exemplaires…), elle avance le postulat que l’augmentation du chômage annonce simplement la mutation d’une société dans laquelle il faudra vivre sans emploi: « Il nous faut pourtant apprendre à (…) trouver d’autres modes de survivance que cette forme de rémunération, nous reconnaître d’autres valeurs, si nous ne voulons pas être exclus de l’Histoire. « Dans ce sillage, Viviane Forrester devient d’ailleurs membre fondateur du collectif altermondialiste Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne), en 1998 », in « Disparition de Viviane Forrester » 02.05.2013, http://www.franceculture.fr/litterature/disparition-de-viviane-forrester# . « Tous les experts se sont déchaînés contre ce livre. Entre misogynie et mépris pour une littéraire qui ose parler d’économie, rien n’a été épargné à Viviane Forrester, qui a fait face avec cran. Aidée par le succès du livre. Ce cri lancé par une femme engagée, contre le monde tel qu’il ne tourne pas rond, a touché un énorme public : plus de 350 000 exemplaires vendus en France, une trentaine de traductions. Et, pour Viviane Forrester, une tournée internationale. En dépit des critiques, souvent injurieuses, Viviane Forrester a continué de réfléchir sur ces questions. Elle n’a pas craint d’aller affronter à Davos, en 1998, les experts qui la critiquaient vertement. Avant de publier, en 2000, Une étrange dictature (Fayard), une critique de l’ultra libéralisme, dans laquelle elle écrivait notamment :  » Chaque jour, nous assistons au fiasco de l’ultralibéralisme. Chaque jour ce système idéologique, fondé sur le dogme (ou le fantasme) d’une autorégulation de l’économie dite de marché, démontre son incapacité à se gérer lui-même, à contrôler ce qu’il suscite, à maîtriser ce qu’il déchaîne. » in « Viviane Forrester, romancière, essayiste », Le Monde.fr, 02.05.2013,

[4] cf. 4ème de couverture de l’ouvrage ».

[5] Cf. « Maudite Silicon Valley », Courrier International n°1346 du 18 au 24 août 2016, pp. 28-31.

[6] Cf. Henri Lepage, « Réponses à George Soros », Politique Internationale, été 2000. Deux ans plus tard, en 2001, Lepage voyait ses arguments balayés par la crise financière de 2001 et réduits en cendres par le séisme bancaire et financier des crédits Subprime en 2008.

[7] Ibid.

[8] Son parcours professionnel est présenté de la façon suivante : « Henri Lepage est économiste. Il a été professeur associé à l’Université Paris-Dauphine et est membre de la Société du Mont Pèlerin, administrateur de l’ALEPS, membre fondateur, président du Conseil scientifique et membre du conseil d’administration de l’Institut Turgot », http://www.atlantico.fr/fiche/henri-lepage-1502113. Pour savoir ce qu’est la Société du Mont Pèlerin (Contexte de création, Hommes et Réseaux), cf. Bernard Sionneau,  « De la justification Etats-Unienne d’une économie sans règles ni contraintes : Hommes, idées et réseaux », https://worldissuesandservices.org/2019/01/12/8-de-la-justification-etats-unienne-dune-economie-sans-regles-ni-contraintes-hommes-idees-et-reseaux/ .

[9] George Soros, The Crisis of Global Capitalism: Open Society Endangered, New-York: Public Affairs, 1998.

[10] Henri Lepage, « Réponses à George Soros », texte écrit en décembre 1999, mais publié dans le numéro été 2000 de la Revue Politique Internationale.

[11] Cette crise a coûté plus de 2000 milliards d’euros aux pays européens.

[12] Comme l’écrit George Soros, “…It was only when Margaret Thatcher and Ronald Reagan came to power around 1980 that market fundamentalism became the dominant ideology”, op. cit., p. xx.

[13] Cf. Bernard Sionneau, “Globally-Irresponsible Management:  Three cases”, Working Paper made for Globally Responsible Leadership Initiative – GRLI – Conference (UNGC/EFMD), 01/2006, https://worldissuesandservices.org/2018/12/01/globally-irresponsible-management-three-cases/ .

[14] Alain Minc in L’Expansion, 8 février 1985, p. 129, cité in Richard Farnetti et Ibrahim Warde, Le Modèle anglo-saxon en question, Paris : Economica, 1997, p. 5.

[15] L’expression est de Zaki Laïdi, « Un ordre mondial relâché », Libération, 10 septembre 2002.

[16] Un courant, auquel on donna le courant d’« économie de l’offre » (Supply Side Economics), réunit des chercheurs qui, n’appartenant pas à l’école de Chicago, ajoutèrent néanmoins leurs voix aux précédentes pour dénoncer l’État-Providence et stigmatiser les impasses des solutions keynésiennes visant à soutenir « la demande ». En réaction à ce qu’ils percevaient comme des obstacles structurels à la croissance économique, George Gilder (auteur en 1981 de « Wealth and Poverty   »), Athur Laffer, Jude Wanniski (auteur de The Way the World Works en 1978) et Victor Canto, préconisèrent en effet de rendre à « l’offre », c’est-à-dire aux entreprises et à leur activité productive, la fonction de stimulation de la croissance, étouffée, selon eux, par des réglementations et des impôts excessifs. Ils apportèrent ainsi une caution scientifique à la révolte anti impôts, déclenchée à la fin des années 1970 en Californie à partir d’un refus d’une fiscalité locale jugée incapacitante. Laffer, Gilder, Canto et Wannisky (le créateur du terme «Supply Side Economics ») furent ainsi à l’origine d’une formidable offensive intellectuelle, in Bernard Sionneau, La construction du conservatisme moderne aux Etats-Unis, Paris : L’Harmattan, 2012, pp. 99-100.

[17] Cf. la liste des 100 premiers fournisseurs du Pentagone en 2014, in « Top-100 U.S. Government Contractors, U.S. Government Total – Fiscal Year 2014”, http://www.bga-aeroweb.com/Top-100-US-Government-Contractors-2014.html . cf. aussi John Markoff, “Pentagon Shops in Silicon Valley for Game Changers”, The New York Times, Feb 26, 2015; cf. enfin, l’étude très fouillée de Ronald W. Cox, « The Military-Industrial Complex and US Military Spending After 9/11, » Class, Race and Corporate Power: Vol.2: Iss. 2, Article5. Available at: http://digitalcommons.fiu.edu/classracecorporatepower/vol2/iss2/5

[18] L’expression est celle du Président Dwight D. Eisenhower, employée en 1961 à l’occasion de son discours d’adieu à la nation. Comme le précisait sa petite-fille Susan Eisenhower en 2011, « En moins de 10 ans, depuis le 11 septembre 2001, les dépenses pour les budgets militaires et de sécurité des Etats-Unis ont augmenté de 119%, » et rien qu’en 2010, les estimations avancent la somme de 700 milliards de dollars, soit le montant le plus élevé jamais dépensé depuis la seconde guerre mondiale », in 50 Years after the ‘military industrial complex, what Eisenhower really meant », The Washington Post, Friday, January 14, 2011.

[19] Cf. Bernard Sionneau, « Le Keynésianisme militaire à la rescousse de la compétitivité états-unienne », in Le Management Responsable, Paris : Ellipses, 2017, pp. 149-153.

[20] Cf. Sionneau Bernard, « Réseaux conservateurs et nouvelle doctrine américaine de sécurité », in Annuaire Français de Relations Internationales, Bruylant, Bruxelles, 2003, pp. 524-525, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001302.pdf (accès au 24/04/2016).

[21] Cf. Pierre de Senarclens, La mondialisation : Théories, Enjeux et Débats, Paris : Armand Colin, 2002, p. 87.

[22] Jean Peyrelevade, Le Capitalisme Total, Seuil, Paris : La République des Idées, 2005, p. 50.

[23] Cf. Josée Pochat, « Attali, de Mitterrand à Sarkozy », Valeurs Actuelles, Mardi 18 août 2009,  https://www.valeursactuelles.com/culture/attali-de-mitterrand-a-sarkozy-35331 . On ne peut qu’être interpellé par l’audace (ou l’amnésie ?) de Jacques Attali, acteur de ces années de transformation majeure de l’économie mondiale tirée par la finance, lorsqu’il s’alarme (bien tard, pour quelqu’un qui se pique de prospective) de son potentiel destructeur, dans le texte suivant : Jacques Attali, « Qui aurait cru qu’on pourrait un jour recommencer les erreurs de 1929 et celles de 2007 ? C’est pourtant en train d’arriver », L’Express/L’Expansion, 30/01/2019.

[24] Dès 1969, nous rappelle Françoise Renversez, le rapport Marjolin-Sadrin-Wormser intitulé « Marché monétaire et conditions de crédit » souhaitait que soit mis fin à fragmentation du marché des capitaux. La Loi bancaire de 1984-1985 voyait la suppression de l’encadrement du crédit, la disparition de la plupart des prêts bonifiés, la levée du contrôle des changes pour faire revenir les investisseurs internationaux. Le Contrôle des changes et des mouvements de capitaux permettait de limiter la spéculation contre le franc, mais restreignait l’apport de capitaux extérieurs au marché boursier, in Françoise Renversez, « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers », in Regards Croisés sur l’Economie, Numéro 3, mars 2008, p. 56.

[25] Jean-Luc Gréau, Le capitalisme malade de sa finance, Paris : coll. Le Débat, Gallimard, 1998,  p. 187.

[26] Catherine Sauviat, “ Les fonds de pension et les fonds mutuels : acteurs majeurs de la finance mondialisée et du nouveau pouvoir actionnarial”, in François Chesnais (dir.), La finance mondialisée : racines sociales et politiques, configurations, conséquences, éditions La Découverte, 2004, p. 107.

[27] En 2000, précise Catherine Sauviat, le taux de rotation de leur portefeuille était de 122% en moyenne. Cela signifiait que, sur l’année, leur portefeuille avait donc été entièrement reconstitué, et même plus d’une fois. Selon un magazine spécialisé (Morningstar), près d’1/4 des Mutual Funds opéraient un renouvellement complet de titres chaque année, in Catherine Sauviat, op.cit., p.111.

[28] Ibid., p. 107.

[29] Les Mutual Funds américains sont devenus les prêteurs directs de trois types d’acteurs: l’Etat fédéral américain à travers les US Gvt Funds ; les municipalités à travers les Investment Grade Municipal Funds ; les entreprises à travers les Investment and Medium Grade Corporate Funds. Dans les années 1980, les MF se sont également porté acquéreurs des « effets de pacotille » (Junk Bonds ou High-Yield Corporate Bonds). Le taux de croissance de ces MF illustre l’ampleur du mouvement de désintermédiation-titrisation des anées 1980. Les principaux agents de ce mouvement ont été les gouvernements : leurs obligations négociables ont supplanté en quelques années les prêts bancaires comme moyen principal de financer les déficits publics ; mais les entreprises ont également profité de ce mouvement. Elles utilisent en effet de plus en plus fréquemment : des billets de trésorerie pour financer leur fonds de roulement ; des obligations pour investir à moyen et long terme. En investissant dans ces titres, les grands Fonds ont évincé les banques commerciales de leur métier traditionnel, ils les ont obligées à évoluer.

[30] Cf. aux Etats-Unis, les banquiers d’affaires à l’origine des concepts et techniques permettant de réaliser ces opérations, in Bernard Sionneau, « The role of corporate America and U.S. investment bankers in the engineering of a “Turbo- or Super- Capitalism” incompatible with CSR or Sustainable Development », Blog World Issues and Services – WISer, 16 Février 2019,    https://worldissuesandservices.org/2019/02/16/13-the-role-of-corporate-america-and-u-s-investment-bankers-in-the-engineering-of-a-turbo-or-super-capitalism-incompatible-with-csr-or-sustainable-development-1/ .

[31] Ibid., p. 114.

[32] Cf. sur la question, les travaux de Claude Serfati, « Transnational Corporations as Financial Groups », Work Organization, Labour and Globalization, Volume 5, Number 1/Summer 2011, pp. 10-38. Cf. également, François Chesnais, « Les groupes industriels agents actifs de la mondialisation financière, chapitre 10, La Mondialisation du Capital, Syros, 1997, pp. 240-258.

[33] Hervé Juvin, « Les Etats-Unis et L’Union européenne ont tenté de diffuser, d’appliquer et parfois d’imposer ce double modèle à l’ensemble des régions de la planète avec des succès variables ». « La coopération ou l’éloge de la diversité », in Rapport Moral sur l’Argent dans le Monde 2007, Association d’Economie Financière, 2007, pp. 52-54.

[34] Souvent présentée comme la fondatrice de l’économie politique internationale (EPI), Susan Strange parlait, elle, de “capitalisme de casino”, in Casino Capitalism, Oxford, New York : B. Blackwell,‎ 1986.

[35] J.P. Fitoussi, Le débat interdit : monnaie, Europe, pauvreté, Paris : Arléa, 1995. Pour François Chesnais, le « coup d’État fondateur de la « dictature des créanciers », de la «tyrannie du marché » est redevable à la politique menée à partir de 1979 par Paul Volcker à la tête de la FED, comportant simultanément : une politique monétaire restrictive, une politique budgétaire laxiste, la titrisation des bons du Trésor, la garantie donnée aux capitalistes financiers, détenteurs des obligations publiques, de jouir de taux d’intérêts réels positifs, in La mondialisation du capital, Paris : Syros, nouvelle édition actualisée, 1997, p.298.

[36] François Chesnais, Ibid. p.35.

[37] Cf. sur un sujet encore mal connu à l’époque en France, l’ouvrage de Jacques Nikonoff, La Comédie des Fonds de Pension, Paris : Arléa, 1999.

[38] En 1994, le TIAA-CREF (le fond de pension des enseignants du Michigan, gérait 100 milliards de dollars d’actifs, soit une fois et demie l’ensemble des impôts directs perçus à l’époque par l’État français, R. Farnetti, « Le rôle des fonds de pension et d’investissement collectifs anglo-saxons dans l’essor de la finance globalisée », in François Chesnais (sous la direction de), La mondialisation financière : genèse, coût et enjeux, Paris : Syros, 1996.

[39] Deux initiatives leur ont donné accès à des systèmes financiers nationaux auparavant fermés et compartimentés. Il s’agit du décloisonnement externe : libéralisation des flux de change, ouverture du marché des titres publics aux opérateurs étrangers, ouverture de la Bourse aux entreprises étrangères, etc. ; le décloisonnement interne : entre différentes fonctions financières et différents types de marchés : change, crédits, actions, obligations.

[40] Les gestionnaires de fonds en ont besoin pour deux raisons : tenir leurs engagements de paiement des pensions, et attirer de nouveaux participants.

[41] Denis Clerc en illustre l’importance avec le secteur du pétrole en 2015 : « […] Au troisième trimestre 2015, les majors du pétrole – ExxonMobil, Shell, BP et Chevron – ont vu leurs résultats s’effondrer et même, pour BP, devenir négatifs de 7 milliards de dollars ! Une première historique dans une activité qui, jusqu’ici, avait toujours affiché un niveau de rentabilité parmi les plus élevés. […] ces mêmes majors (et cela vaut aussi pour Total ou Statoil), ont annoncé que ces résultats en baisse seraient sans incidence sur les montants qu’elles entendent verser à leurs actionnaires, sous forme de dividendes ou de rachats d’actions. Quand bien même cela les contraindrait à vendre quelques actifs, voire à emprunter. […] en 2014, les cinq grands du pétrole ont emprunté 20 milliards de dollars, réduit leurs investissements de 30 autres milliards, et ont distribué 70 milliards de dollars, sans changement par rapport à l’année précédente, malgré une baisse sensible de leurs résultats, nous apprend Anne Feitz, dans Les Echos du 2 novembre. Elle cite à l’appui de son article une phrase significative du patron de Statoil :« Le dividende est un élément qui ne doit pas fluctuer avec le prix du pétrole. », in « La finance, sangsue du système productif », 02/11/2015, http://www.alterecoplus.fr/economie/denis-clerc/la-finance-sangsue-du-systeme-productif-201511021713-00002446.html

[42] Ces opérations financières effectuées sur les marchés financiers incluent les profits spéculatifs suivants : plus-values immobilières, plus-values sur stocks, spéculations sur titres, profits monétaires, ventes de certaines catégories de services financiers, etc. – toutes rentes trouvant leur origine dans la maîtrise du marché plus que dans la production. Mais ce n’est pas tout : la participation au capital et à la gestion d’une entreprise et au partage de ses résultats financiers sans « avance de capital », qui est une nouvelle forme d’investissement (NFI) est une expression de plus de cette capacité que possède le capital concentré de s’accroitre, en se nourrissant d’une composante rentière, François Chesnais, La mondialisation du capital, op.cit., p.103. cf. aussi, Claude Serfati, « Transnational Corporations as Financial Groups », Work Organization, Labour and Globalization, Volume 5, Number 1/Summer 2011, pp. 10-38 ; cf. encore, François Chesnais, « Les groupes industriels agents actifs de la mondialisation financière, chapitre 10, La Mondialisation du Capital, Syros, 1997, pp. 240-258.

[43] En particulier, Jerome Kohlberg et George Roberts de la Banque Bear Stearns (qui fait faillite suite à la crise des crédits « Subprime » et est rachetée par la Banque JP Morgan Chase) Pour une explication, cf. Bernard Sionneau, « The role of corporate America and U.S. investment bankers in the engineering of a “Turbo- or Super- Capitalism” incompatible with CSR or Sustainable Development », Blog World Issues and Services – WISer, 16 Février 2019,    https://worldissuesandservices.org/2019/02/16/13-the-role-of-corporate-america-and-u-s-investment-bankers-in-the-engineering-of-a-turbo-or-super-capitalism-incompatible-with-csr-or-sustainable-development-1/ .

[44] Cf. Bernard Sionneau, « “Globally-Irresponsible Management: Three cases”, presented at Globally Responsible Leadership Initiative (GRLI), EFMD/UNGC, 2006, cf. 3 – Globally Irresponsible Management: Three cases (updated 2016)https://worldissuesandservices.org/2018/12/01/globally-irresponsible-management-three-cases/

[45] Catherine Sauviat, op. cit., p. 111.

[46] Ces fonds d’investissements placent, à court terme, l’épargne des grandes fortunes et des investisseurs institutionnels. Ils sont très actifs depuis les années 1970 et, selon le Hedge Funds Research, ils géraient en 2007  1 760 milliards de dollars (1 242 milliards d’euros) dans le monde, soit l’équivalent du produit national brut de l’Italie en 2005. Et 10 % de ce montant seraient gérés depuis Greenwich petite ville du Connecticut (USA) in Claire Gatinois, « La crise financière américaine a épargné Greenwich, capitale des hedge funds », Le Monde, 04.10.07

[46] Selon les enquêtes, ces Mutual Funds (MF) auraient effectué des transactions avec des Hedge Funds (HF) qui auraient permis à ces derniers : de profiter d’informations privilégiées après l’heure de clôture (16h) mais en référence au prix de clôture de la valeur des actifs du fonds (late trading)  et d’acheter ainsi des parts de MF  à des prix non disponibles pour la plupart des investisseurs actionnaires. Comment? En profitant du décalage horaire entre le moment où les fonds calculent leurs prix journaliers et les mouvements de prix réels sur les marchés étrangers (market timing). Ces pratiques sont officiellement découragées par les MF ; Mais elles sont en fait répandues auprès des clients privilégiés que les MF désirent fidéliser ; elles sont également utilisées par les gestionnaires de fonds pour leur propre compte. Parmi les MF mis en cause : les plus importants du secteur (Bank of America, Putnam, Alliance, Janus Capital Group, Strong Capital Management, Bank One Corp) ; Plusieurs démissions de hauts responsables ont eu lieu (CEO Janus et Putnam) ainsi que nombreux licenciements salariés. De grands fonds du secteur public ont décidé de retirer la gestion d’une partie des actifs traditionnellement confiés à certains d’entre eux (Putnam et Alliance), in ibid., p. 112.

[47] Christian Chavagneux, « Les trois risques de la finance mondiale », Alternatives Economiques, n°72, 2ème trimestre 2007, pp. 76-77.

[48] L’Allemagne a fait une proposition à leur égard : instaurer un code de conduite contraignant pour cette catégorie d’investisseurs Mais les Etats-Unis et la GB n’en veulent pas. Ils se disent en effet favorables à une « autodiscipline » de la profession. Quant aux altermondialistes d’attac, ils jugent ridicules les appels à l’autodiscipline de la part des Hedge Funds, considérant que c’est « demander à un renard s’il veut bien cesser de voler des poules » in Claire Gatinois et Cécile Galla, « Berlin ne parvient pas à imposer une régulation des Hedge Funds », Le Monde, Mardi 22 mai 2007.

[49] « Voyage au cœur d’un Hedge Fund », Enjeux les Echos, juin 2007, p.70-74.

[50] Cf. le chapitre III intitulé « Finance Globale », d’Henri Bourguinat, qui écrit : « L’intégration financière, marquée par les 3 D (Décloisonnement, Dérèglementation, Désintermédiations, est marquée par la règle de l’unité de temps (elle fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre) et l’unité de lieu (les places sont de plus en plus interconnectées) et aboutit bien à un véritable méga-marché financier mondial », in Finance Internationale, Paris : PUF, coll. Thémis Economie, 1992, p. 100.

[51] Françoise Renversez, « De l’économie d’endettement à l’économie de marchés financiers », in Comprendre la Finance Contemporaine, numéro 3, mars 2008, p. 62.

[52] Ibid.

[53]

[54] Cf. Bernard Sionneau, Chapitre 8, “Reîtres et sicaires conceptuels de la globalisation », in Le Management Responsable : approche critique et transculturelle (avec Javier Rabasso et Carlos Rabasso), Paris : Ellipses, 2017, pp. 158-163.

[55] Cf. Ibrahim Warde, « Les fonds souverains…prédateurs, sauveurs ou dupes ? » Le Monde Diplomatique, mai 2008, pp. 9-10.

[56] Frédéric Lordon, « Crises financières, surtout n’en tirer aucune leçon »,  Le Monde Diplomatique, mars 2008, pp16-18.

[57] Ibid.

[58] Laurent Mauduit, Les Imposteurs de l’Economie, Paris : Jean-Claude Gasewitch Editeur, 2012, pp. 87-88.

[59] Ibid.

[60] Ibid.

[61] Ibrahim Warde, « Les fonds souverains…prédateurs, sauveurs ou dupes ? » Le Monde Diplomatique, mai 2008, pp. 9-10.

[62] Ibid.

[63] Ibid.

[64] Ibid.

[65] Ibrahim Warde, « Primes et châtiments des traders », Le Monde Diplomatique, mai 2008, p. 9.

[66] Cité in Ignacio Ramonet, Géopolitique du chaos, Paris : Galilée, 1997, p.58.

[67] Dany Rodrik, Has globalization gone too far? Washington DC: Institute for International Economics, 1997, p.69.

[68] M. Dowd, The New-York Times, in « Le milliardaire Ted Turner veut faire payer les riches », Courrier International n°311, du 17 au 23 Octobre 1996.

[69] In Ignacio Ramonet, op. cit.

[70] En 1992, Barnevik, alors dirigeant d’ABB, déclarait: « If you are going to run a global group and you have to consider national interests all the time, it doesn’t work ». Sa société avait ainsi licencié 50 000 personnes au cours des 4 années précédentes, se conformant au principe stratégique et organisationnel retenu : « lean and mean ». Cette stratégie faisait d’ailleurs dire à l’un des directeurs de Mitsubishi : « They are as aggressive as we are. I mean this as a compliment. They are sort of super-Japanese », in C. Rapoport, « How Barnevik makes ABB work », Fortune, June 29, 1992, p.25.

[71] Cité in I. Ramonet, Géopolitique du chaos, Paris : Galilée, 1997, p.58.

[72] Paul Krugman, « L’Europe sans emploi, l’Amérique sans le sou ? », Futuribles, Septembre 1995, p.64.

[73] “Sustainable Investment for Our Future”, Remarks by California State Treasurer Phil Angelides to the Environmental Entrepreneurs Forum, Palo Alto, CA, May 5, 2003.

[74] Joseph Stiglitz est un économiste américain contemporain qui a reçu le « Prix d’Economie de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel » en 2001 (Il n’existe pas de « prix Nobel d’Economie » même si les éditeurs utilisent le terme pour faire vendre les ouvrages de leurs collections). Stiglitz est connu du grand public pour ses critiques virulentes envers le FMI et la Banque mondiale, alors qu’il y avait occupé le poste d’économiste en chef.  Stiglitz a développé ses propos sur l’inégalité dans un article en direction du grand public : « Of the 1%, for the 1%, by the 1% », Vanity Fair, May 2011, http://www.vanityfair.com/society/features/2011/05/top-one-percent-201105;  et dans un ouvrage : Le Prix de l’Inégalité, Paris : Les Liens Qui Libèrent, 2012.

[75] Cf. Joseph Stiglitz, “Of the 1%, by the 1%, for the 1%”, Vanity Fair, May 2011.  http://www.vanityfair.com/news/2011/05/top-one-percent-201105 .

[76] Monica Langley, « Why $70 million wasn’t enough », The Wall Street Journal, August 18, 2007.

[77] Claire Gatinois, « La crise financière américaine a épargné Greenwich, capitale des hedge funds », Le Monde, 04.10.07.

[78] Les « golden boys » de la finance sont de retour avec des salaires mirobolants, LADEPECHE.fr, 02/04/2010,

http://www.ladepeche.fr/article/2010/04/02/809565-golden-boys-finance-sont-retour-salaires-mirobolants.html

[79] Ibid.

[80] Selon Christian Walter, ancien actuaire, le péché originel de la finance est sa croyance aveugle dans les mouvements browniens (du nom de Robert Brown, biologiste du 19ème siècle) complétés par les travaux du mathématicien Louis Bachelier au début du 20ème siècle. Ce modèle des phénomènes financiers qui donne « une image idéalisée, édulcorée », est également idéologique : cette appréhension de la réalité fait écho aux principes d’autorégulation des marchés, au cœur de la théorie économique néoclassique. Cette confiance dans les mouvements browniens, qui donne l’image d’un monde à l’incertitude maîtrisable, « a rendu la finance immunodéficiente face à de risques que les banquiers n’ont pas su évaluer », in « La finance souffre d’une crise aigüe de la connaissance », Le Temps, mercredi 28 octobre 2009.

[81] Cf. Bernard Sionneau, « Des fonds souverains sauveteurs ou prédateurs ? », in L’entreprise et ses menaces économiques en 2008 : une tentative de bilan », Cahiers de recherche du CEREBEM, n°127-08, octobre 2008.

[82] Entretien avec Valérie Giscard d’Estaing : « La mondialisation l’a prouvé, on ne peut plus laisser la mondialisation livrée à elle-même », Enjeux Les Echos, Juin 2008, p. 50.

[83] Entre autres, Emmanuel Macron, énarque et ancien associé-gérant de la banque d’affaires Rothschild.

[84] “Take the Money and Run” est une comédie du cinéaste et acteur Woody Allen, sortie sur les écrans américains en 1969.

Publié par dr. Bernard Sionneau

World Issues Specialist and company owner Former Senior Professor of International Relations and Strategic Studies (Kedge Business School, Bordeaux Ecole de Management, Ecole Supérieure de Commerce de Bordeaux)

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